Dans Paris Match avec une magnifique photo surréaliste
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Alain Bashung (le nom, à une lettre près, reçu de son beau-père, Roger Baschung) est né le 1er décembre 1947, de père inconnu. Adolescent, il découvre le rock de Buddy Holly et de Gene Vincent. De ses premières années de musique, il ne retiendra pas grand-chose. «J’étais dans la parodie, dans l’imitation, expliquait-il. Nous ne faisions que reproduire ce que nous entendions à la radio. Moi, j’étais fasciné par les Américains et les Anglais.» Ses disques sont des échecs, son premier mariage sombre. Quand il décroche enfin un contrat, à la fin des années 70, onze ans après ses débuts officiels, Alain Bashung a perdu tout espoir. «Je ne me retrouvais pas dans ce que j’enregistrais, il fallait faire dérailler quelque chose.» Ce quelque chose viendra de sa collaboration avec le parolier Boris Bergman. «Gaby, Oh Gaby» sera leur premier fait d’armes. Quand la chanson envahit les ondes au printemps 1980, Bashung entre dans la cour des grands. Vendu à près d’un million d’exemplaires, le single sera son salut. «Après, j’ai compris que prendre des risques était quelque chose de sain.» Bashung dynamite les codes de la chanson. Serge Gainsbourg lui apporte les textes alambiqués – presque incompréhensibles – de «Play blessures». Les succès s’enchaînent et, avec eux, la vie qui va avec. «Dans les années 80, avec mon groupe, on se prenait pour les Doors. Tout nous semblait possible!»
L’homme qui ne
se fâche jamais
A la naissance de son fils, Arthur, en 1983, il mène l’existence du rockeur qu’il a toujours rêvé d’être : nuits sans sommeil, fêtes d’après concerts, bruit des guitares, cigarettes par millions et hectolitres de bière... De ce fait, il n’est pas un père très présent. «Il y a des solutions à trouver, dira-t-il à “Libération”. Quand on n’est pas là, c’est un peu terrible. La culpabilité s’ajoute au fait qu’il faut chanter le soir. Mais les artistes, c’est comme ça...» Une rare confession, révélatrice de son angoisse récurrente : «Bien faire.»
Bashung est un homme qui ne se fâche jamais. «Je ne connais pas la haine. Lorsque des gens s’en sont pris à moi, j’aurais dû leur en vouloir, mais je n’ai pas pu. La vie s’est toujours chargée de leur régler leur compte.» Quand son association avec Boris Bergman vacille, il fait appel à une ancienne connaissance, Jean Fauque. Ensemble, ils créeront «Osez Joséphine», «Ma petite entreprise», «La nuit je mens». Ses albums des années 90 sont encensés par la critique. Rien ni personne ne lui ressemble dans l’univers musical français. Il est l’architecte sonore, le metteur en scène de ses albums. Pudique, blessé par son divorce, il évoque dans l’immense «Fantaisie militaire», en 1998, ses tourments personnels. Mais ses mots d’amour ne sonnent pas comme les paroles d’une banale chanson sentimentale. «J’ai longé ton corps / Epousé ses méandres / Je me suis emporté / Transporté / Par-delà les abysses / Par-dessus les vergers / Délaissant les grands axes / J’ai pris la contre-allée / Je me suis emporté / Transporté», avoue-t-il dans «Aucun express».
C’est sur le tournage du clip de «La nuit je mens» qu’il fait la connaissance de la comédienne et chanteuse Chloé Mons. Il l’épouse en 2001, Poppée naît quelques mois plus tard. Installé dans le XVIIIe arrondissement de Paris, dans le quartier populaire de la Goutte-d’Or, Bashung espace de plus en plus ses disques. Six années séparent «L’imprudence» de «Bleu pétrole». «J’ai besoin de vivre pour créer, explique-t-il. Je n’ai pas envie de polluer un univers déjà très encombré.» Il voyage en France chez ses amis gastronomes, ne refuse jamais une invitation à dîner. Grand amateur de musique, il écoute les nouveautés, se passionne pour Camille, entre autres, et remet ses classiques à lui sur la platine : Johnny Cash, Dion (le chanteur anglais), Elvis... Entre deux enregistrements, il tourne quelques films.
Musicalement, il ne cessera jamais de se renouveler, sollicitant la jeune génération, Gaëtan Roussel et Armand Méliès. Son contemporain Gérard Manset fut heureux de leur collaboration.
«Je garde de lui son immense gentillesse et sa délicatesse. Il est le seul à avoir pu aller aussi loin dans les délires poétiques, sans garde-fou, avec justesse et raison.» Tous les gens qui l’ont côtoyé retiennent son humanité. «Durant ces derniers mois, il ne s’est jamais plaint, affirme Jean-François Assy, son violoncelliste. Il est toujours resté zen. Nous devinions sa profonde tristesse, même si, avec nous, il oubliait la maladie. Il avait choisi de croire en la vie.» En 1999, Alain Bashung avait confié à «Libération» : «Cela m’ennuierait beaucoup de ne pas aller jusqu’au bout. Je trouverais ça impoli.»