par Monfreid... » 19 Sep 2022, 14:10
Je me pose des questions, surtout en lisant Villon.
Comme je fais partie des aigris, déçus tout ça, partons du principe que les derniers albums sont tous bons.
Il y a des scories, quelques erreurs ici et là, mais globalement : ce sont de bons albums.
Je ne vois pas l'intérêt de comparer ces albums vis-à-vis des productions actuelles.
D'un point de vue personnel, il me semble que les amateurs de manset ne sont pas jeunes et qu'ils ont tendance à ne pas écouter et à ne pas aimer les productions actuelles. De fait, la comparaison me paraît sans objet.
D'un point de vue un peu plus éloigné, à quel moment les propositions de manset pouvaient-elles se comparer à d'autres productions francophones ? On peut citer quelques noms (en premier me vient Bashung), mais ça me paraît au mieux à la marge (on peut citer Dominique A plus récemment). Il m'a toujours paru "en dehors". Dès lors, la comparaison me paraît également un peu vaine.
De plus, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de perception du changement chez Manset.
Je suis étonné (au sens premier, je veux dire sans jugement) de lire une comparaison entre Aphrodite et Orion.
Orion est (volontairement ou non) un pensum, lourd, verbeux, dégoulinant, mais très premier degré dans sa conception, il y a une naïveté frontale, brute qui permet une approche assez "série B" finalement. Je n'écoute pas cet album très souvent, mais je peux le remettre sans souci sur la platine et me faire plaisir, malgré ses défauts.
On retrouve d'ailleurs cette naïveté dans ses productions (pour un joueur de guitare, la liberté, etc. sont des titres gentiment naïfs et désarmants).
Aphrodite s'affiche (au sens : sa couverture) comme une série B. On pourrait croire à une production naïve, mais c'est volontaire, c'est beaucoup plus de l'ordre du "réfléchi", du marketing que de l'ordre esthétique. Pour tout dire, ma plus grande déception de Manset vient de là, j'attendais ce retour à un projet grandiloquent, clinquant, enfantin. Mais, le titre est une référence à un auteur symbolique, les textes se veulent beaucoup plus littéraires (on sent que le temps des expérimentations sonores et primaires est révolu), les passages récités sont plus amphigouriques. Au-delà d'un "j'aime, je n'aime pas", si on fait une comparaison entre les deux concepts, le plus récent est beaucoup plus chargé d'une esthétique maniée, remaniée, ciselée.
Cela revient à comparer une oeuvre de SF des années 1940 à une oeuvre de SF portant sur la réception de la SF en 2020.
(Je ne dis pas que l'on ne peut pas aimer le deuxième, je ne dis pas que ce n'est pas bon, je ne comprends pas la comparaison sur le contenu.)
De plus, le deuxième s'inscrit directement dans "Mansetlandia".
Il y a, pour moi, une bascule entre les premiers opus, les périodes de remaniement (j'enlève un titre, je retire un mot, je remastérise, je compile "définitivement", je recompile définitivement, etc) et la période "j'assume mon œuvre en son entier, c'est désormais Mansetlandia". On passe d'un artisan, d'un faiseur qui a peu de culture et le revendique, à un artiste qui revendique ses références, son statut et son œuvre.
Bien sûr, les sonorités synthétiques, l'utilisation de chœurs parfois pompeux, les rythmes sur deux temps ont toujours été là, mais ça me semble prendre des propensions de plus en plus fortes.
Et, sans doute, le dernier point qui m'interroge, la taille des titres et des textes. Je veux dire, il a toujours fait dans le morceau copieux, occasionnellement jusqu'à l'indigeste, mais c'était souvent au service de la musique, comme écrin à des textes finalement assez courts (2870, marchand de rêve, attends que le temps te vide, etc.) alors que c'est dorénavant l'inverse.
Je lis (pas uniquement ici), des retours élogieux sur ses derniers albums comme s'ils étaient dans la droite ligne de ce qu'il faisait avant, or, j'ai tenté d'expliquer pourquoi dans les lignes précédentes, je ne vois (je n'entends) pas de filiation entre ces productions et ce qui les précédait.
...
Maintenant, je suis acide et virulent, parce que je n'aime pas cette posture. Lavilliers me gonfle, mais il pose ce contrat dès le départ, dès lors un album peut me plaire ou non, je peux penser qu'il en fait trop, il se pose d'emblée comme un poète, voyageur, mythomane. Idem chez Renaud, son histoire change en fonction du moment présent et de ses besoins (qu'il croit ce qu'il raconte, c'est son problème). Il en va de même pour beaucoup d'autres.
Comme Manset est tout seul et qu'il parle avant tout à l'individu (ça n'a jamais été un chanteur de gauche, parce qu'il est marqué du sceau de l'individualité, du mythe romantique), nous avons tous des perceptions et des attentes différentes de son œuvre. Comme en prime, il n'a jamais donné de concert, l'idée d'un rassemblent de fan a peu de sens. Je conçois donc aisément que ma position puisse choquer, faire rire, etc. tout comme je comprends qu'on puisse aimer les derniers disques.
Ce sont vraiment les comparaisons et l'idée de continuité, en mode "aucune surprise, ça reste gégé, toujours le même" qui m'étonne.
ps : j'édite pour préciser que lorsque je dis que la comparaison avec la production actuelle est sans objet, c'est aussi (surtout) parce qu'elle n'existe pas. Personne ici, ne mentionne des albums récents (francophones ou non d'ailleurs) pour dire "hé ! les filles, les gars, vous devriez écouter ça, c'est de la bombe sa maman, surtout telle chanson, tel titre, telle orchestration, pour telle ou telle raison" et personne ne fait une "veille musicale" sur les sorties intéressantes dans tel ou tel genre. De fait, dire "c'est mieux que l'entièreté de la production actuelle" ou "l'industrie du disque ne sort rien de bien", ça me semble un constat personnel, peu probant.
je les ai tous empaillés, jusqu'à la dernière peluche !