Je relis une chronique de
Véronique Mortaigne parue dans le monde du 23 mai 2014, actualisée le 19 août 2019. J'en ai extrait un passage que je partage avec vous ci-dessous (c'est du copier/coller) :
"...Dès lors, Gérard Manset avance sur trois fronts : l’écriture, la musique, l’art pictural. « La musique me venait du ciel, j’étais une sorte de paratonnerre. Le truc me tombait, je transcrivais, en faisant très attention, comme quelqu’un qui prendrait la foudre en veillant à ne prendre que le nécessaire et en sachant où la diriger. Mais je suis monomaniaque, je ne peux pas faire deux choses à la fois, donc j’ai enfilé le costume de compositeur, du gestionnaire de studio, d’ingénieur du son [au studio Milan, qu’il crée en 1970], et je laissais tomber celui de l’artiste peintre et du bonnet bouffant. »
Manset musicien est en porte-à-faux avec l’industrie du disque. Ses albums, publiés sur son label, Zenon, sont entièrement « made in Manset », des compositions aux pochettes. En 1980, il cède ses parts du studio Milan à son associé, Jean-Paul Malek. Il est revenu en amour avec la peinture après la publication, en 1976, de l’album Rien à raconter. Pendant trois ans, il « joue » l’atelier, tout en continuant la musique, jusqu’à enregistrer, justement, L’Atelier du crabe (1 981) – « L'Atelier du crabe / Y a rien sur les tables / Pas de musiciens minables / De chanteurs inconsolables / On s’pousse un peu / Pour voir le maître des lieux / Cligner des yeux / Mettre du rouge ou bien du bleu / Du rouge ou bien du bleu ».
Daltonien, il ne perçoit pas certains à-plats, et voit parfois deux couleurs là où il n’y en a qu’une. Qu’importe. Picasso, son héros, le peintre total, heureux, prenait du bleu quand il n’avait pas de rouge. Peindre, dessiner est une sorte de gymnastique ascétique, martiale, comme faire des pompes, boire du thé vert, manger du riz blanc, s’abreuver d’eau, en essayant d’être transparent. Ce sont les leçons du voyage, où Gérard Manset, amoureux du Kodachrome, a utilisé la photo comme carnet de croquis, rendant compte de la nourriture, des rencontres ou des chambres d’hôtels, modestes, à Manille, à Recife, à Nakhon Pathom, à Cotabato, à Varanasi (Bénarès), à Calcutta, à Iligan, avec autoportrait, grand brun assis sur un bord de lit, allongé, reflet dans un miroir. Il a photographié des mondes à jamais perdus – des quartiers démolis à Paris, en Haïti ou à Bogota ; des temps heureux passés en famille en Polynésie, avec ses deux filles alors préadolescentes ; des villes tentaculaires qui ont proliféré, avec leurs enseignes publicitaires qui ont remplacé les bouges et les bordels.
En fin de compte, Gérard Manset continue d’avancer. Il a très peu de regrets. L’un est de n’avoir pas été présent lors de la chute de Saïgon, marquant la fin de la guerre menée par les Etats-Unis au Vietnam, en 1975. L’autre est de n’avoir jamais trouvé un enseignant, un vrai, qui s’autorise à expliquer sans discussion possible de l’élève les bases de la peinture à l’huile."
Je vous conseille de lire l'intégralité du texte
ici, pour ceux qui ne le connaîtraient pas.