par Claire » 08 Mar 2019, 13:25
J'ai lu le bouquin "Les grands carnivores", et effectivement j'ai moi aussi été très surprise du style, du récit, des personnages. Je n'ai pas lu depuis très longtemps un livre qui m'ait autant surprise.
C'est une sorte de fable, qui se déroule dans une petite ville, plus proche de l'univers de Simenon que de l'époque actuelle (volontairement j'en suis certaine). Il y a un cirque qui arrive, dont le pauvre type chargé de l'entretien des fauves oublie (ou pas ?) de fermer les cages un soir. La description de la ville est constamment onirique, les personnages qui participent à l'intrigue sont caricaturaux, en particulier le portrait des "possédants" est d'une grande violence, dans leur quête obsessionnelle du pouvoir et leur lâcheté. Leur lâcheté morale, leur ridicule, leur prétention et leur bêtise, c'est ce que traque avec le plus de hargne le conteur. Il y a quelque chose du mépris de Bernanos dans ces portraits.
Par contre, le monde des "pauvres", assez étrange et mystérieux, est décrit avec une chaleur qui n'empêche pas de deviner leur aliénation et leur écrasement.
Le style est extrêmement personnel, complexe, riche, grinçant et beau...emphatique n'est pas le mot que j'emploierais, même si l'absence de nuances donne un souffle et une intensité particulières qui peuvent gêner au début. Si j'avais une critique, ce serait qu'il y a à mon avis un peu trop de longueurs dans certains portraits qui mériteraient d'être élagués.
n tout cas, c'est un livre que je n'oublierai pas, et aux antipodes des langueurs fades de beaucoup de romans français contemporains (le genre : "je photographie mes pieds").
Il faut un peu s'accrocher au début, mais j'ai remarqué que c'est parfois la caractéristique des très bons livres et des vrais écrivains.