glissement intéressant :
- tu ne peux pas nier qu'il y a de la qualité artistique ?
- on s'en fout on parle "livre" et selon ma définition, une bd n'est pas un livre donc on parle même pas qualité artistique (ni influence culturelle)
je me demande à quel point à ce moment précis, tu te rends compte que c'est exactement la vision de toute une génération à l'arrivée du jazz (mon dieu mais ce n'est pas de la musique classique, bien ordonnée) ou du rock.
autre glissement intéressant :
sur la lecture et l'écriture.
c'est bien connu on apprend plus le français comme avant ma bonne dame et c'est pour ça que...
alors, c'est un peu plus compliqué.
déjà l'éducation nationale refuse les études externes sur le taux d'analphabétisme depuis des années (c'est con car cela permet à l'extrême droite de parader sur le mode "c'est la faute aux méchants enfants étrangers qui sont dans nos classes". Ensuite la majorité des études sur le sujet (illettrisme ou analphabétisme) oublient de mentionner un nombre assez élevé d'adultes qui n'a plus les bases suffisantes pour bien s'exprimer (faute de sollicitation le plus souvent).
sur les enfants et l'apprentissage du français, il y a plusieurs choses à dire.
premièrement on reste en France dans une guerre autour de "méthode syllabique" ou "méthode globale", comme s'il n'existait que ces deux là (et non je ne parle pas de Montessori) et surtout en oubliant un élément important : la compréhension. En effet, lire ne veut pas dire comprendre, ça semble con mais c'est ainsi. Parce qu'ils manquent de temps et parce qu'il y a une double pression (bienveillance et orthographe.grammaire) beaucoup de prof n'ont pas le temps, la capacité, l'envie de passer du temps à revenir sur le sens des textes et sur l'avis des mômes (non pas dans un sens forcément positif). De fait, la France se distingue par un "retour aux valeurs" (la dictée selon Pivot) de plus en plus marqué, retour qui ne s'accompagne que peu d'une discussion autour du sens des textes. Là encore on s'aperçoit (des chercheurs et depuis longtemps) que c'est bien la compréhension fine qui pose problème (l'orthographe étant la partie la plus visible). La compréhension fine permet bien évidemment l'abstraction vis-à-vis d'un texte (et peu importe que ce texte soit un "classique" ou non, l'ironie ou le second degré ça se trouve partout) mais aussi les doubles sens, allusions, images...
le temps autour du français va dans le sens "mécanique" (au sens grammaire donc) (sans oublier, j'y faisais allusion, le côté "bonne note"... on a mettre une dictée mais la préparer avant, en apprenant les mots aux gamins et si les résultats ne sont pas là on va proposer un exercice de rattrapage).
Il y a donc une grande "cause nationale" (parce qu'on va aussi rajouter sur le feu, la simplification de l'orthographe contre laquelle tout le monde est alors que personne n'y connaît rien (nénufar s'écrivait à la base avec un "f" par exemple et oignon est un oubli à l''origine, pour prendre deux exemples marquants) à propos de laquelle on mélange tout s'en jamais vouloir distinguer les problématiques.
On s'aperçoit de cette vision très "la grammaire c'est la vie" au sujet de l'anglais, en France l'apprentissage de la langue anglaise passe encore par un côté "culturel" (chanson, moeurs, livre, histoire...) et un côté "langue" (grammaire etc) ce dernier pôle prenant tout l'espace (ou presque) et amenant à une sorte de frustration énorme (pour avoir donné cours à beaucoup d'anglais... beaucoup d'anglais... la grammaire anglaise est un choix, ils parlaient et écrivaient très bien l'anglais sans savoir ce qu'était un modal... alors que tous les gamins apprenant l'anglais en France savent ce qu'est un modal ^^).
Il y a donc la volonté politique (absence de redoublement, pression sur la bienveillance, pression sur les notes car le "taux de réussite" est un levier fort etc) qui se double d'un levier social (le français comme cause nationale et comme mesure du savoir d'un môme) et aveuglement sur ce qu'est une langue (ça évolue, ce n'est pas figé etc etc).
là dessus on ajoute des connaissances formulées dans les années 70', qui ont été renforcées par les IRM et les recherches d'un mec comme Dehaene qui sont en partie vraies mais qui sont récupérées dans tous les sens (il est même chez Macron ce bon vieux Dehaene, c'est dire). Mais tout ça pour dire que le côté "tension" évoqué plus haut, ça ne date pas d'hier.
dans ce bordel, la littérature joue un rôle important. C'est un rôle "culturel", c'est-à-dire un rôle normatif. On pourrait croire, à me lire, que je suis un progressiste gauchiste cherchant à enseigner la bd à l'école etc etc
alors que... non. Enfin, oui et non
la littérature à l'école doit avoir un rôle normatif. Après, pendant les études et le temps perso, on peut s'amuser à apprendre d'autres choses mais l'école doit amener un socle de connaissances et ce socle doit passer par un enseignement des classiques... mais pas que.
le souci, c'est que l'on perçoit les classiques soit comme fondamentaux et on ne voit que ça, soit comme ringard et on n'en fait plus. Outre le manque de définition de ce qu'est un classique, il me semble nécessaire d'apprendre Racine, d'essayer de comprendre en quoi à tel moment c'était un canon esthétique et pourquoi, en quoi ce mec est fort (un indice : son manque, volontaire, de vocabulaire... ), montrer comment son traitement des thèmes est optimum... mais il me semble aussi qu'étudier Phèdre en but de la comprendre, ça ne se fait pas forcément très jeune (toi aussi évoque l'inceste en cours ^^).
cette utilisation des classiques pose la même question que celle de la langue, on refuse de la questionner, on décrète que c'est bien ou mal... mais on refuse de la questionner (j'ai noté racine est fort parce qu'il manque de vocabulaire, ceux qui ont étudié racine au collège... savent pourquoi ? je ne pense pas. Donc à quoi bon l'avoir étudié...si c'est pour avoir une idée du "beau" ...faut relire Kant ^^).
Autre perspective, le temps devant les écrans... là il y aurait une question intéressante à poser à Roland: si Lire c'est mieux que regarder facebook ou une série débile... lire un manga c'est mieux que regarder un dessin animé ?
plus sérieusement
le temps devant les écrans augmente, internet ne remplace pas la tv, internet s'ajoute à la tv. En moyenne un môme passe plus de temps devant les écrans qu'en classe. Un enfant qui se lève, qui regarde la tv le matin, il arrive en classe... difficile pour lui, sans repos, d'être attentif.
On sait aussi que les logiciels d'apprentissages sont nuls (toutes les études le montrent, on apprend mieux... même une pauvre liste de vocabulaire... avec un entourage et de la récitation, qu'avec n'importe quel logiciel et on apprend en prime de la polysémie contextuelle)... or, l'investissement de l'éducation nationale dans les tablettes devrait vous éclairer sur la politique en cours.
et je ne vous parle pas des profs en sous effectifs et non formés (la fermeture des classes segpa n'efface pas ces élèves de l'équation, par exemple).
autre point, soulevé aussi par Roland, les critères de notation. Comme il faut plus de notes (et si possible de bonnes notes) on demande de plus en plus de questions fermées (oui, non) ne nécessitant pas l'utilisation de phrases complexes, cohérentes et on passe de plus en plus part des éléments ressemblants à des QCM ce qui, oui, évite la confrontation avec l'écriture, la structure des phrases etc etc
bien évidemment ce système est également très utilisé en faculté, mais ce n'est pas pour ça qu'un gamin bac+5 devrait mieux savoir écrire qu'un gamin ayant un bac, un bac pro ou un cap...
au-delà des "valeurs" et quel que soit le niveau d'étude, la langue doit être perçu comme un outil d'autonomisation, savoir lire, écrire, compter c'est vital.
Ce long message dans lequel je ne parle même pas bd, sauf à la fin.
Pour dire que, comme quelques autres ici, chui dysorthographique (du coup j'ai bouffé du "tu devrais lire des livres, ça apprend l'orthographe" ^^... ) cela explique mes périphrases et mes digressions constantes (quand je ne connais pas l'orthographe d'un mot, j'en cherche un autre que je connais, ce qui mène à des détours et ce qui imprègne la façon de s'exprimer).
cela explique que je me sois posé des questions...
un truc qui te manque Roland...
finalement, je suis triste...
on pourrait croire (comme Claire) que je suis énervé, parce que je réponds vite, beaucoup et que je suis dans la réaction... mais non.
j'ai commencé à discuter avec certains ici depuis... plus de vingt ans, j'écrivais "par ce que" ^^ (et ce n'était pas le pire).
j'ai découvert pas mal de choses, notamment Neil Young, grâce à pas mal de gens d'ici et d'ailleurs.
Du coup, Roland, le côté "j'affirme des trucs", sans éveil, ni aucune volonté de t'interroger, m'attriste. Avoir une opinion et s'y accrocher comme une moule à un rocher, je comprends, je comprends les phobies, je comprends la peur du rejet... mais, bordel, ne te pose pas la question... affirme-le, tu as le droit d'être réac' et d'être un vieux con, mais cesse de poser des questions et de faire comme si tu étais curieux ou comme si ça t'intéressais... tu ne poses jamais de questions : oui, merci j'écouterai ça (et tu ne reviens jamais dessus), bof, faite moi une liste.... c'est triste à lire, je t'assure.
Je suis lecteur (tous mes potes m'ayant aidé à déménagé te le dirons) depuis gamin, en moyenne je lis 200 livres par an dont un bon tiers de "classique" mais, pas de bol, je lis aussi de la bande dessinée.
j'ai co-dirigé le plus gros site et forum de l'époque sur la bande dessinée, y'a quelques années (et j'en parlais sur les anciens forums manset)
j'ai participé aux premiers "cafés-bd" avec des journalistes du monde et du figaro (arf, pas libé) qui parlaient de livres qu'ils n'avaient pas lus...un régal ^^
j'ai fait mon mémoire de philosophie sur le lien entre mythe et bande dessinée.
j'ai mené pas mal d'entretiens avec des auteurs de bd (dessin et scénario)
et puis, même si c'est à une échelle microscopique, je suis scénariste de bande dessinée.
ce n'est pas une question de faux pas, d'ego froissé ou de truc de ce genre...
mais 20 ans ! sans que tu captes les références ou que tu les interroges. 20 ans de conversation et d'échanges perdus. 20 ans que tu attends que le monde cogne à ta porte... mais elle est tellement épaisse cette porte qu'il semble impossible pour toi d'entendre les sons du dehors.