Alors,
perso j'essaie de faire une distinction (et je n'y parviens pas) entre d'un côté une forme d'appauvrissement de la pensée par le biais d'une certaine forme de média, de politique et d'entreprise qui ont pour but commun (et pas besoin de lire Baudrillard pour le voir) de former le consommateur à l'image de ce que l'on voit dans "wall-e" (que je continue de conseiller) ou dans "soleil vert" (que tout le monde ici connaît). Pas besoin de grand complot, il suffit de jouer constamment sur les émotions et de balancer des informations en masse (donc sans laisser le temps du recul, de la réflexion, uniquement celui de la réaction épidermique si possible). J'avais déjà posé cette "réflexion" sur le premier forum de Roland à propos du mp3, de la consommation boulimique et du manque de temps et de savoir faire pour digérer tout ça et je maintiens.
et de l'autre la langue, qui n'est pas le langage, ni la parole, ni le discours (qui se veut être sa propre justification, si déjà on apprenait ces distinctions ça serait pas mal).
Parce que dire que nous sommes analphabètes aujourd'hui ça renvoie tout de même à l'idée d'un passé glorieux.
et là, je tic un peu, sans doute parce que cette question me touche personnellement (dire que la maîtrise de la langue est un facteur de pouvoir est un truisme, une évidence mais aussi une réalité) mais aussi parce que ça repose sur un idéal qui ne me semble pas vraiment exister.
le rôle de la presse, des médias qui s'acoquine avec le pouvoir (industriel ou politique ou les deux), il suffit de relire Maupassant (et un tas d'autres) pour s'apercevoir que ce n'est pas nouveau. L'idée d'une "littérature de bonne femme ou de femme de chambre" on la retrouve bien avant le XXième. Je vous fais grâce de l'historique de l'idée de "décadence de la société" dans l'art et la littérature, ne serait-ce qu'en France nous en aurions pour un paquet de temps.
ces thématiques ne sont pas nouvelles mais elles continuent de venir polluer le discours, dès que l'on parle de la langue on les évoque et avec elles l'aspect "on parle moins bien français".
Mouaip... perso, je ne vois pas quand le français moyen pouvait se hisser au niveau de Yourcenar ou quand le "peuple" avait le niveau de langue suffisant pour parler et maîtriser sa langue à "haut niveau" (les premières études sur l'analphabétisme en France date, en gros, de la révolution et je vous promets que ça pique niveau chiffre).
L'outil "langue française" est révéré en France (sans doute à raison) parce qu'il est complexe à manier, mais même si on passe outre les complexités de la langue (ses origines, ses constructions "scientifiques", ses aberrations) liées au pouvoir, nous y engageons un imaginaire puissant (il suffit de voir la défense de "nénuphar", qui avant déjà s'écrivait "nénufar" n'en déplaise aux thuriféraires de la "défense de l'orthographe" qui ont oublié leur dico de lexicologie au fond du tiroir de la commode).
Simplifier la langue ne veut pas dire l'appauvrir, garder des exceptions (comme oignon) c'est aussi garder un esprit de "supériorité", un esprit de classe.
Il ne faut pas oublier que l'ouverture du bac, des études supérieures, à "tout le monde" fut accompagnée de deux mouvements. Le deuxième est connu, c'est la transformation (assez tardive mais tout de même dès les années 80) des résultats du bac en enjeu social et politique à partir de là je conseille vraiment de relire les propos de Paul Valéry (1935) sur l'inutilité du diplôme ça permet de comprendre le choix politique opéré (on le voit encore dans l'écartèlement entre "mon fils doit bien parler français" et "mon fils doit bien parler anglais"). Le premier est moins connu et plus pervers, la rhétorique (donc la reconnaissance du discours de l'autre d'une part et la construction du discours d'autre part) a disparu des programmes de l'école (publique, pas des "grandes écoles" ^^). Quand on voit que seule une minorité de profs se penchent sur la question de l'éducation aux images, aux médias, aux discours, on se dit que l'outil rhétorique, la parole médiatique, la propagande éditorialiste et politique ont encore de beaux jours devant eux.
De plus, l'argot prouve surtout la vivacité de la langue, le "lire" avec l'oeil médiatique actuel, à l'aune du buzz, c'est se gourer de lorgnette, l'argot (langage des banlieues ou non) possède bien souvent des règles de grammaires et de syntaxe plus complexes qu''on pourrait le croire. Critiquer le mésusage de la langue ou des mots en employant les mêmes travers que ceux que l'on critique est une posture étrange.
Sur la distinction entre l'objet de la discussion et les termes de la discussion, il suffit de relire Sarraute (nathalie pas sa fille) surtout ses pièces ("elle est là" montre parfaitement comment l'on se comporte autour d'une bataille d'idée).
Sur l'analphabétisme, il est souvent de bon ton de faire court, de se plaindre, de constater un échec, en mêlant la parole, le langage et le discours dans un même bain mousseux et marécageux, ce qui me paraît dommage.
parce que bon, il existe encore de (très) bons auteurs entre les têtes de gondole et Valère Novarina (à celles et ceux qui pensent qu'on ne pense plus la langue, je conseille ce bon vieux Valère, je crois bien qu'il veut siéger à l'académie... si vous ne connaissez pas... c'est pire que Blanchot ^^ )
sur les lectures de Manset, il a souvent dit ne pas lire énormément, sa "culture" semble surtout tardive et là pour se forger un arbre généalogique, une légitimité artistique.
et je continue de conseiller :
https://www.youtube.com/watch?v=96-8F7CZ_AU