qu'est ce que l'art, pour vous ?

Musiques, Cultures, Etc.

Messagepar Claire » 07 Avr 2009, 11:48

Pierre2 a écrit:
Claire a écrit:Et oui, ça me fait toujours sourire les gens qui disent qu'ils n'aiment pas la poésie et sont si touchés par certains textes de rock (Cantat en particulier).

Je ne suis pas spécialement fan des textes de Cantat, mais je reconnais que ceux-ci sont travaillés et sont meilleurs que le tout venant du rock français d'un point de vue formel. Mais j'ai le même problème avec la poésie qu'avec le vin, j'ai du mal à différencier un grand cru d'une piquette. En fait je n'aime pas réellement le vin, ça doit vouloir dire que je n'aime pas la poésie non plus. J'aimerais avoir ton avis sur un texte d'un groupe de black metal. Ce texte a été écrit par un jeune homme qui doit probablement avoir dans les 22-23 ans, qui a probablement dû arrêter l'école assez jeune, et qui n'a pas les idées très claires (a flirté avec des références idéologiques plus que malsaines, mais comme je l'ai dit il est très jeune). Et malgré tout je trouve ses textes travaillés, et je me demande quelle valeur poétique ils peuvent avoir (pas grand chose j'imagine). Bon, trêve de bla bla, voici le texte (attention c'est cru):
Chute Pour Une Culbute :
Sperme noir de soir en soir tu t'immisces
Carnage incarné au cœur de l'orifice,
Criminelle crasse au fond des fentes grasses,
Neige, brûlures, qui pour toujours glace
Les corps chauds une nuit
Ravis
Qui demain s'effacent
L'écorce salace
Lentement écorchée...
Déesse Sida tu pourris
Ravage
L'humaine porcherie.

Tes Proies, genre cadavre,
Le faciès défoncé blafard comme une tombe
Tombée dans le fossé
De tous les périmés,
S'enfoncent
Dans l'égout de l'oubli...
De leur trou désormais
Elles pleurent et contemplent
Le terrestre temple
Des vivants,
Le seul à jamais
Où elles auront pu
Rejoindre le ciel

A travers un cul.




D'abord même si je joue les madame-poésie ici, je ne suis pas sûre de savoir faire la différence entre un grand cru et une piquette, et est-ce que j'aime vraiment la poésie ? pas sûr......il y en a beaucoup qui m'ennuie ou que je trouve ridicule.
C'est vrai que ce texte est travaillé et il a de l'originalité dans les images; et il est représentatif d'une esthétique particulière, avec ses outrances et ses codes.

Sur les forums de poésie, il y a beaucoup de jeunes gens très très doués. La plupart continuent à écrire et écrivent de mieux en mieux. Je ne sais pas ce qu'ils donneront après. la poésie ne mène pas à grand chose pour une carrière littéraire.



exemples : Florian 27 ans


(nt)


Nous rentrons, des désordres en chemin,
Des terres brûlées et quelques sensations
Des pelotes de poésie ramassées comme des chats,
Sauvages et quelques espoirs sur la ligne citadine.
Nous passons par la dernière étape de la journée,
Sur le palier de la laine déchirée par du verre
Des paroles dans la bouche trouvent refuge
Familières et réduites en petits paquetages


ou Renaud Brébant, 21 ans :


L'invitation


Souviens-toi de nos années électriques
les allées vêtues de l'ombre des arches
la lumière crue sur nos poings chauves
et la saveur de la course

Passe-moi le sel de la vie, camarade
que j'assaisonne mon souffle au cœur
mélange mon pire à ton meilleur
on a une ville à faire suer



Adrien 25 ans :


En écoutant Claude Nougaro


Il est difficile d'écrire toujours pour une femme. L'écriture souffre des petites habitudes, et je haïssais ces gribouilleurs capables, jour après jour aux mêmes heures, fonctionnaires dans leur loisir qu'ils avait fait profession, de se mettre au bureau comme d'autres à table, pour écrire leur quota quotidien.

Et pourtant je savais ces heures perdues à ne rien produire, où la discipline comme une bestiole volante me taquinait, restait à ma portée pour peu que je me concentrasse, m'échappait aussi avec la grâce boiteuse de ces insectes dont on ne saisit l'utilité hors de nous énerver, et une grande lassitude enveloppait mes mouvements que je blâmais n'être assez solides pour ne pas me lever. J'allais à la fenêtre. Le soleil proposait son jaune aux autres couleurs avec l'insistance de tirs soutenus, et la résistance des vitres volait en éclats ; éclats reflétés ensuite dans mes yeux éblouis. Je n'y voyais pas grand chose et ma vue déjà n'était que le lointain descendant de cette vue, enfant, où je savais distinguer dans tout paysage un océan et un désert, un bateau et une armée, une colline et des avions. Je passais dix minutes ainsi à regretter l'absence d'images dans celles banales qui défilaient devant moi, et des mouches cognaient parfois à cette demi glace que sont les vitres, où le miroir est trop faible pour se reconnaître, mais assez présent pour attirer.

Sans cassure, il venait des minutes où je me rasseyais. Je reprenais le papier, et il me semblait que sur lui aussi, mes yeux venaient de perdre leur pouvoir incantatoire. Aucune des mélodies suggérées tout à l'heure, tandis que je courbais ces lettres pour les faire entrer sur la feuille, ne me revenaient. Où ont passé ces escargots de ma pensée, dont les coquilles vides s'écrasaient maintenant sous les coups de gommes de ma relecture ? Mais je n'effaçais encore rien. Je me relevais.

Car ces lignes, je les avais couchées pour une femme, indistincte et pourtant aux traits définis, que je ne confondais avec ceux d'aucune autre. Et il m'était facile de faire ce lien trivial, de penser que toutes ces lettres, ces "L" qu'on retrouvait dans son nom, je les couchais pour la dessiner, puisqu'à défaut de croquis j'empruntais pour l'atteindre les versants des phrases, comme le côté moins accessible mais plus intime d'une montagne lointaine. Et déjà, debout et dépassant les meubles que tantôt j'associais à des adjectifs, que j'emprisonnais dans des formes vagues puis étroites, les voyelles de mon texte ébranlaient le décor de ma chambre, chamboulaient un ordre confirmé entrée après sortie depuis mon emménagement.

Je ne savais longtemps écrire dans un lieu nouveau. Toujours, il me fallait le fuir au bout de quelques semaines, trouver un autre banc à taguer, une autre rue à baptiser, un nouvel oracle à fréquenter. Toujours, les lieux où déjà j'avais couché trop de mots, comme un lit de prostituée, me dégoûtaient, devenaient sales, blancs gris puis noirs jaune - pourris.

Et alors, un nouveau levier s'annonçait pour continuer ma maladroite tentative d'écrire. Sans changer de lieu, je changeais de culte, je bafouais le visage de celle visée jusque là, je mettais le cap sur une nouvelle île, puisque toutes les femmes que l'on désire habitent, seules, une île où nous n'avons encore pas mis le pied. Et de cette fenêtre décevante, de ce soleil semblable à celui de la veille, se déversait maintenant les contours encore flous mais déjà décisifs des nouveaux massifs rocailleux où j'irai dès cette nuit chercher mes nouvelles phrases.

La poignée de ma porte m'allait en main comme une virgule. (...)


Anton, 18 ans :


Poème sous vide d'air


On parle encore de haut en bas par les fenêtres
seulement
les décors ont changé
ce soir sur la rivière
qui ne reflète plus ni les bruits ni les étoiles

le monde a la forme des ronds de fumée
que tu lances comme des bouées de sauvetage
dans l'abat-jour du vestibule

tu as le vent dans la poitrine
un cadavre d'enfant dans l'angle du couloir
dans un coin de décembre une ampoule sans lumière
ou plutôt
les dernières miettes abandonnées sur la paume de la table
sont le contour de ton visage

et sur le papier peint l'odeur du siècle qu'on efface
tel un sourire
tu cherches à discerner les souvenirs qui passent
comme l'éventail d'une gifle jetée contre les vitres

pas une main tendue
pas même une corde ou un grappin
lancé de haut en bas à travers les étages

tu as les yeux couverts de neige
et de poussière
tu cherches le futur
comme à colin-maillard sur le toit d'un gratte-ciel

et tu as beau garder la tête renversée en arrière
il n'y a rien qui tombe
pas même le plus petit le plus terne des murs


alors
tu ouvres la fenêtre

le silence est complet




ou Gnossienne du TGV



Ce soir tu ne sais plus où tu es sur la terre
tu es debout entre les arbres angulaires
et tes jambes s'entrechoquent
comme des mâchoires qui claquent
comme une fenêtre ouverte autrefois dans le vent
ou comme le ressac immense des gyrophares
qui berce les étoiles sur les ponts amputés

Ce soir la crevasse de la ville a les lèvres gercées
elle a un goût de vieux tabac
la ville
la ville est pleine de neige
de cendre et de galets
qui coulent sur les trottoirs
et sur le toit du vieux manège qui dort
place des Révolutions
tu peux sentir
la nuit dénouer sa muselière
tu peux entendre
comme on joue du piano sur la peau d’une hanche
les cigales de neige de tous les squares de tous les bancs de tous les réverbères
les piverts
les corbeaux
les mesures de Satie

Tu marches dans la ville
et malgré ce "je est un autre" tu es seul
les têtes crissent sous tes pieds
sous les pavés
et sous la glace
qui se crevasse
ce n’est pas elle qui craque ce sont les os du monde
et les volets entrouverts des maisons
au chevet de tes lèvres qui saignent dans le ciel

tu rêves d’un rire
d’une bouche à demi soulevée sous le poids des naufrages
tes pas salissent les réverbères
ton cœur s’arrête
tes mains s’endorment
dans le rétro du vieux taxi
où l’enfant s’est perdu
en demandant sa route


passage des heures


tu es assis à tes côtés à bord du TGV
sur la septième voie de la septième gare
il est sept heures du soir
et tu te demandes à qui sont les visages
abandonnés aux places 58 et 59 A

la vie est là
sur l’autre rive
entre elle et toi il y a les vitres et la vitesse
et les lumières assourdies d’une gare
qui passait là
sans crier gare

et la mer monte
entre les sièges qu’on ne distingue déjà plus des récifs
ni des parois ni des mâchoires
entre lesquelles ton regard tangue



les lumières de la ville au fond c'est comme le Gulf Stream
surtout les jours de pluie sur les vitres
les jours de vent
les jours de neige et de vitesse
quand la brûlure se reflète jusqu’au fond de ton ventre
jusqu'à dissoudre les rails qui s'égrènent et s'enfuient sous le roulement infini de ta course
et jusqu'à les quitter
pour plonger dans la nuit
la nuit de fer
la nuit fondue
et opérer enfin la soudure d’âme à âme
le choc

faute de mieux

la mer monte

à nouveau tu entrouvres tes yeux
qui ne savent plus dormir
qui ne savent plus mentir
qui ne savent plus partir
tu regardes à bâbord
dans le compartiment
tu regardes à tribord
le milliard de lumières où Dieu n’habite pas
et cette fille qui est belle comme une coiffeuse
quand on ferme les yeux

mais tu ne sais parler ni aux hommes ni aux femmes
seuls les murs te répondent
et les vitres du train
au front desquelles ta tête furieusement titube
et tu ne peux aller plus loin dans l’atmosphère
que cet endroit exact où ton crâne sur la vitre en chavirant explose
plein verre
ou plutôt
pleine mer

à présent tu ne veux même plus
savoir qui perd ni qui gagne
tu ne veux même plus
comprendre
le regard se perd dans l’horizon
dans la lumière qui roule son torse comme une étoile où tous les chiens s’enfuient
et même à n’y rien voir

tu peux encore être celui qui écoute

le passage des heures
arrêté dans les ports
arrêté dans les gares

tu peux encore être celui qui entend
dans la poitrine un loup qui court
et la rosée qui s’abat sur les vitres
comme un torrent
entre les champs et les forêts
la neige le bruit le temps
au fond des usines abandonnées
dans les refrains d’antan
tu peux encore être celui qui cherche
la source du vacarme
ou seulement
ton image
destination gravée
dans le bois d’un visage
tu peux encore être celui qui prie
sans aucun dieu sans aucune racine
autre que le bruit de ce train dans la nuit
et le silence ancien de la poussière
qui tombe du plafond

Et il te reste à inventer
le monde
l’espoir
la pluie et la lumière
et les ruades immenses des bateaux sur la mer
il te reste à monter
d’un seul mot d’une seule voix au fond de l’atmosphère
il te reste à crier
à frapper ton cerveau sur la chair des barreaux
il te reste à passer
de l’autre côté du regard

Ce n’est pas le train qui fait ce bruit de ferraille
c’est ta tête et ta langue et ton corps tout entier
qui frappent contre la vitre

Dehors
on entend un tamtam qui bat des mains
qui bat des pieds
qui bat des lèvres
dans un pays sur un trottoir

et les baguettes du tambour sont dressées dans la nuit
au bord de chaque rail

et tu étouffes
encore
tu ouvres grand les yeux
d’un grand coup de paupière
tu as fendu le verre
tu as jeté les heures comme du ballast entre les rails
et la nuit est entrée
dans le compartiment
tu regardes dehors

la nuit
la voie ferrée
le vent et la vitesse

et la neige qui tombe
arrêtée dans les ports
arrêtée dans les gares

déjà le pouls du train faiblit
la ligne de vie se taille
la ligne de fuite
s’éclipse
tu descends sur le quai
et tu allumes une cigarette qui fait du bruit comme une grenouille le soir au-dessus des marais

tu suis des pas des flaques déjà tout tracés dans le néant des bruits
et tu t’enfonces
dans la gorge du monde
arrêté dans les ports
arrêté dans les gares
tu es tout seul entre les piliers angulaires
et tes dents s'entrechoquent sur le béton du quai
et tu dis Merde
Je connais la douceur
apprenez-moi la paix



(il y avait une fille aussi, il faut que je la retrouve).
Modifié en dernier par Claire le 07 Avr 2009, 12:02, modifié 2 fois.
Avatar de l’utilisateur
Claire
 
Messages: 1351
Enregistré le: 05 Jan 2005, 10:50

Messagepar Claire » 07 Avr 2009, 11:50

la voilà :

Emmeline 20 ans :

Poivrot


Poivrot, gueule ton image de loup et crève les courses des jolies jambes.
Elles passent, un dos tres nada mas,
Elles tassent leurs talons d’été sur ce sol naïf, étranger à la pluie qu’il ne fait que laisser courir.
Quand ça court, ça danse et ça se percute. Tu fais les tresses mentales des trajectoires que tu vois afin de relier notre sang à la terre. Je crois qu’il y en a qui meurent près de toi sans jamais l’avoir vue cette terre. Alors c’est la mort d’un ruisseau de sang sur l’asphalte.
L’eau balance tout dans un tourbillon et puis il faut se relever dans l’odeur des mousses.

Je pense aux tunnels de la pensée. J’ouvre grand la bouche et même mes yeux sont une bouche. Je reçois ce que tu me racontes, les mots s’écoulent comme des perles sous ma langue, mais pas seulement les mots, tout ce qu’ils contiennent, toi avec. Tu me demandes ce que je pense, je pense que les éclats en toi sont précieux et délicats comme les différentes pierres que l’on retrouve à la tête d’une falaise.
Le matin, les eaux se vomissaient dessus, par les égouts et ensuite coulaient largement au détour de nos pieds. Un passant camé me regarde.
Je pensais justement à tous ces visages, longtemps ce sont eux qui m’ont donné le goût. Oui, ce sont les multitudes de visages qui font les multitudes de possibilités.
Tu vois, je dessine mes rêves sur les traits des autres. Ensemble nous entendons gargouiller les eaux sales. De bon matin, c’est l’ivresse de s’imaginer que tout est possible.
J’aime les hommes qui me laissent l’inconnu à débrider et encore j’aimerais pouvoir leur dire de ne jamais me laisser faire. Sourde tâche que de savoir vraiment, lorsque l’on peut savoir sûrement dans les rêves.
Il y a des jours d’escapade formidables et dans ses journées là, on donne vie à dix milles enfants de la terre.
Avatar de l’utilisateur
Claire
 
Messages: 1351
Enregistré le: 05 Jan 2005, 10:50

Messagepar Pierre2 » 07 Avr 2009, 19:03

J'aime bien la Gnossienne du TGV.
Pierre2
 
Messages: 684
Enregistré le: 23 Oct 2008, 21:01

Messagepar Pierre2 » 13 Avr 2009, 22:15

En tombant sur l'article de wikipedia consacré au paradoxe de l'abondance, cela m'a fait réfléchir à nouveau à la question de Claire, "qu'est-ce que l'art". Pas que j'aie une réponse à la question, juste une réflexion sur l'importance des contraintes. Quelque chose que je pense depuis pas mal de temps, je m'en rends compte, mais que je n'avais jamais exprimé (merci ttc!). Ce que j'appelle contrainte, c'est quelque chose qui à première vue limite la liberté qu'on pense avoir. Ça peut être par exemple la tonalité en musique, la rime en poésie, la vraisemblance dans un roman, le film de genre en cinéma, etc. Quand je parle de la liberté qu'on pense avoir, je ne parle pas de la liberté de choisir d'aller à gauche ou à droite lorsqu'on se trouve à un embranchement. Si on prend des lettres ou des notes au hasard, on a une très faible probabilité de tomber sur un poème de Rimbaud ou une fugue de Bach. Ce que Rimbaud ou Bach ont produit existait déjà à l'état latent depuis 14 milliards d'années (c'est la bibliothèque de Borges si on veut), mais la combinatoire est tellement grande que ce poème et cette fugue doivent être considérés comme des inventions. Les contraintes que l'on s'impose ou que la société nous impose nous permettent de nous libérer de nous même, de la tendance de notre cerveau à tourner en rond ou à sauter du coq à l'âne comme lorsqu'on rêve. Cela ne vaut pas dire que la contrainte doit être nécessairement respectée, mais au moins elle donne un point de départ. Quand Shoenberg invente le système dodécaphonique, il sait ce qu'est la tonalité. Je ne pense pas avoir une quelconque aptitude artistique, mais si un jour je fais un essai (ça ne sera pas en littérature ou en poésie, je vous rassure :)), j'essaierai de garder cela à l'esprit.
Pierre2
 
Messages: 684
Enregistré le: 23 Oct 2008, 21:01

Messagepar jfmoods » 13 Avr 2009, 22:47

Pierre2 a écrit :

Les contraintes que l'on s'impose ou que la société nous impose nous permettent de nous libérer de nous même, de la tendance de notre cerveau à tourner en rond ou à sauter du coq à l'âne comme lorsqu'on rêve.


La rigueur comme précepte, bien sûr.

"La preuve d'un sonnet est par l'addition..." (Tristan Corbière)

Et les surréalistes ? :roll:
jfmoods
 
Messages: 863
Enregistré le: 22 Oct 2008, 13:04

Messagepar Pierre2 » 13 Avr 2009, 23:21

jfmoods a écrit:Pierre2 a écrit :

Les contraintes que l'on s'impose ou que la société nous impose nous permettent de nous libérer de nous même, de la tendance de notre cerveau à tourner en rond ou à sauter du coq à l'âne comme lorsqu'on rêve.


La rigueur comme précepte, bien sûr.

"La preuve d'un sonnet est par l'addition..." (Tristan Corbière)

Et les surréalistes ? :roll:

Que veux-tu dire ?
Pierre2
 
Messages: 684
Enregistré le: 23 Oct 2008, 21:01

Messagepar Claire » 14 Avr 2009, 10:06

Je trouve ta question très intéressante, Pierre. C'est vrai qu'en ce qui concerne la poésie, le mouvement a plutôt été vers une libération de la forme.
Mais parfois une contrainte forte, parce qu'elle occupe la partie consciente de l'esprit, peut favoriser la libération de l'autre partie (quelque soit le nom qu'on lui donne), celle qui est à l'oeuvre dans la créativité. C'est pourquoi des poètes contemporains ont travaillé sur des vers à contrainte forte, différents des vers classiques.
De façon plus large, c'est la question du fond et de la forme. Finalement, l'art ne cesse de répéter les mêmes choses ou à peu près, que des philosophes, des religieux, des dramaturges, des poètes ont dites depuis des millénaires. Ce qui est constamment nouveau c'est la forme. Et par la forme, c'est aussi quelque chose de constamment nouveau qui est dit, et de profondément accordé à l'époque dans laquelle l'oeuvre apparaît.

Encore un truc : il me semble que le moteur de l'art c'est l'émotion, et que la contrainte, la forme, parce qu'elles sont de l'ordre de la pensée, canalisent cette émotion et la renforcent, comme on renforce un flux quand on le canalise (demandez aux constructeurs de barrages).
Avatar de l’utilisateur
Claire
 
Messages: 1351
Enregistré le: 05 Jan 2005, 10:50

Messagepar Pierre2 » 14 Avr 2009, 23:10

Claire a écrit:Mais parfois une contrainte forte, parce qu'elle occupe la partie consciente de l'esprit, peut favoriser la libération de l'autre partie (quelque soit le nom qu'on lui donne), celle qui est à l'oeuvre dans la créativité.

En fait je ne faisais pas référence à l'inconscient, ce n'est pas ma culture (je n'ai jamais lu Freud).
Mais je te fais confiance sur ce point, que tu connais certainement mieux que moi. Je pensais plutôt aux limites de l'imagination humaine. Parfois, se laisser guider par des mécanismes nous emmène en des lieux qu'on n'avait pas imaginés au départ. Juste un exemple pour illustrer ce que je veux dire, si tu cliques sur ce lien, tu verras un exemple de figure fractale. Tu as peut-être déjà entendu parler de ces figures. La figure ci-dessus a été générée à partir de règles très simples, et pourtant elle est d'une complexité vertigineuse (bien que l'image ne donne pas la pleine mesure de cette complexité). L'imagination humaine est incapable de produire cette figure, elle a été trouvée de manière fortuite en appliquant des "mécanismes", autrement dit en se laissant guider par des contraintes. On est bien d'accord que c'est un exemple extrême où il n'y a rien d'autre qu'un mécanisme. Le seul véritable choix artistique ici, si on peut parler d'art, consiste à choisir quelle portion de la fractale on veut mettre en évidence. Ce que je veux illustrer avec cet exemple c'est que des contraintes, des mécanismes, peuvent servir de béquilles à notre imagination. Elles ne sont pas là pour nous limiter, au contraire. Ce qu'il faut c'est choisir les bonnes contraintes.

De façon plus large, c'est la question du fond et de la forme. Finalement, l'art ne cesse de répéter les mêmes choses ou à peu près, que des philosophes, des religieux, des dramaturges, des poètes ont dites depuis des millénaires. Ce qui est constamment nouveau c'est la forme. Et par la forme, c'est aussi quelque chose de constamment nouveau qui est dit, et de profondément accordé à l'époque dans laquelle l'oeuvre apparaît.

Complètement d'accord.

Encore un truc : il me semble que le moteur de l'art c'est l'émotion, et que la contrainte, la forme, parce qu'elles sont de l'ordre de la pensée, canalisent cette émotion et la renforcent, comme on renforce un flux quand on le canalise (demandez aux constructeurs de barrages).

Je crois comprendre ce que tu veux dire. C'est pour cela que je trouve les musiques de la période franco-flamande et de la renaissance anglaise si émouvantes, alors qu'elles ont une apparence austère.
Pierre2
 
Messages: 684
Enregistré le: 23 Oct 2008, 21:01

Messagepar Pierre2 » 14 Avr 2009, 23:38

Si tu n'as jamais entendu de musique de la renaissance anglaise, écoute cette pavane de Byrd jouée au piano. Cette musique donne l'impression d'être corsetée au niveau de la forme, et pourtant elle est émouvante. Je ne sais pas si des chorégraphes ont déjà pensé à utiliser cette musique, on doit pouvoir faire de belles choses avec.
Pierre2
 
Messages: 684
Enregistré le: 23 Oct 2008, 21:01

Messagepar Claire » 15 Avr 2009, 07:31

Je ne faisais pas référence forcément à l'inconscient freudien, je n'aime pas m'enfermer et encore moins enfermer l'art dans un corpus théorique. Je crois que le mot "inspiration" convient mieux. Les artistes de toutes cultures et de tous temps ont tenté de rendre compte de cette sensation d'être traversé par quelque chose qui ne viendrait pas complètement d'eux quand ils créent. La figure de la "muse" par exemple. Je n'ai pas d'explication à ça. Tous les artistes disent aussi l'importance de laisser un espace au hasard dans l'élaboration d'une oeuvre (on rejoint ton fractal).

Et tout à fait d'accord pour la musique. Les chants les plus intenses sont les plus retenus. Mais c'est souvent une beauté qu'il faut aller chercher, ou laisser entrer, ou les deux.
Avatar de l’utilisateur
Claire
 
Messages: 1351
Enregistré le: 05 Jan 2005, 10:50

Messagepar roland65 » 13 Déc 2013, 18:08

Tête de l'Art...
RB
Vulnerant omnes, ultima necat
Avatar de l’utilisateur
roland65
 
Messages: 3817
Enregistré le: 19 Oct 2006, 16:09
Localisation: Planète Mars

Messagepar F75 » 02 Jan 2014, 23:26

L'art c'est avoir perdu, de toute façon.
F75
 
Messages: 249
Enregistré le: 06 Jan 2005, 15:16
Localisation: Paris 13

Messagepar roland65 » 03 Jan 2014, 10:41

"L'art est la distance entre la pointe de la flèche et le coeur de la cible."
B. Daladin
Vulnerant omnes, ultima necat
Avatar de l’utilisateur
roland65
 
Messages: 3817
Enregistré le: 19 Oct 2006, 16:09
Localisation: Planète Mars

Messagepar Claire » 04 Jan 2014, 22:23

F75 a écrit:L'art c'est avoir perdu, de toute façon.


Je sais bien que ça ne fait pas partie du jeu, mais quand même, est-ce que tu pourrais compléter un peu ta pensée ?

moi, voilà où j'en suis : l'art est une forme d'émotion, que l'homme ne cesse de re-créer.
Avatar de l’utilisateur
Claire
 
Messages: 1351
Enregistré le: 05 Jan 2005, 10:50

PrécédenteSuivante

Retourner vers T o u t e s ♦ C h o s e s

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur enregistré et 76 invités