Interview Murat Les Inrocks 4/03/2008

[gigi]

"Comment as-tu confectionné ce nouvel album ?

Il y a eu deux étapes. En gros, il était prêt quand j’ai enregistré l’album Charles & Léo. J’ai continué à bosser dessus tout en faisant ce disque sur Baudelaire et Ferré. Sur Tristan, j’ai essayé de monter le niveau de textes car chanter du Baudelaire toute la journée m’avait donné un certain niveau de langues (rires). Comme Iseult est irlandaise et qu’une partie de la légende de Tristan et Iseult se passe en Irlande, j’ai voulu l’enregistrer là-bas . J’y suis donc parti pendant deux ou trois mois. Mon label V2 était d’accord, mais comme le 15 août il a été racheté par Universal, cela a tout chamboulé. Du coup, en septembre 2007, j’ai dit à Aymeric Letoquart – avec qui j’avais déjà travaillé – de venir à la maison. On a bossé douze jours et on a enregistré douze chansons. J’ai toujours beaucoup aimé faire de la batterie, de la basse, etc. J’ai tout fait tout seul. Et puis trois semaines après, on a retravaillé un peu les textes, au rythme d’un titre par jour. C’est le premier disque que je fais vraiment comme ça car, malgré mon coté grande gueule, je n’avais jamais fait ce genre de choses avant.

Tristan est plus apaisé, moins électrique …

Oui, c’est vrai car jouant seul de tous les instruments, je n’avais pas envie de sortir la grosse artillerie. Je voulais faire le strict minimum pour bien dégager les mélodies au dessus des oreilles (rires). Je l’ai fait à l’ancienne. On n’a quasiment rien retouché. Finalement, c’est mon meilleur disque et comme je suis le meilleur artiste, c’est donc le meilleur album du meilleur artiste ! (rires).

D’où t’es venue l’idée de faire un album sur Tristan et Iseult ?

Hum…J’ai un peu l’arrogance des autodidactes. En général, quand je m’intéresse à un truc, je cherche des bouquins et après je lis 15 000 trucs… Pour moi, l’essentiel de la production artistique du monde occidental trouve ses racines dans Tristan et Iseult. Donc j’ai trouvé ça intéressant. C’est comme si tu prenais Hubble et que tu remontais au moment du Big Bang, à ce qui fait notre nature, à l’origine du monde occidental. Aujourd’hui, l’époque est tellement invivable qu’avec ce que je fais, couplé à mon caractère, je ne sais plus vraiment où me mettre. Je n’ai aucun pote, personne ne m’aime, je n’aime personne. Je suis vraiment le chanteur le plus seul, le plus abandonné (rires) ! Je crois que « l’arène France » est invivable. Je ne sais même pas où me poser, où mettre ma guitare. Il n’y a pas d’ombre, tout est bouché. Du coup, comme je ne sais tellement pas où me foutre en 2008, je me suis situé au 13e, 16e 17e siècle... Il n’y a jamais eu de rock en France depuis quarante ans ! Philippe Manœuvre et Johnny Hallyday bouchent les sorties. A Clermont-Ferrand, il y a huit cent groupes mais ils chantent tous en anglais ! Il n’y a plus rien…. Ah si ! L’autre jour, il y a eu Vic Chesnutt en concert à Clermont Ferrand, ça fait deux décennies que je n’avais pas vu un aussi bon concert ! Pourtant je passe mon temps dans les concerts.

Comment va se passer ta prochaine tournée ?

En octobre, je vais faire quelques concerts seul et une tournée en groupe au printemps 2009. Cela fait longtemps que faire des tournées tout seul me titillait, mais ça ne va pas être facile car j’adore la vie communautaire!

Ta conception du métier d’artiste a-t-elle changé avec la « crise du
disque » ?

Pour moi la responsabilité d’un artiste n’est pas de pleurnicher. Il faut vivre la crise, revoir tes méthodes et repartir. Je pense que le milieu de la musique est totalement obstrué par des gens, des tocards qui n’ont rien à foutre là-dedans!"

[roland65]

Merci pour cette - intéressante - interview!
Vivement l'album...
RB