Disque ère

[Monfreid...]

salut,

envie de tapoter un avis sur un sujet toujours à la mode : le disque et son marché...
suite à la lecture d'un article dans le dernier R&F

bon...
après être passé du rire aux larmes...

je me suis dis que les "pro" intérrogés noient toujours aussi bien le poisson ...
"tout va mal, c'est horrible... les riches gagnent moins, on ne peut plus aider les pauvres, c'est la faute des méchantes personnes qui téléchargent... bouhouhouhouhhhhhhh"
et autre
"le prix des disques baissera au moment où on stopera les méchants pirates..; bouhhhhh".

ouep...

que le mp3 soit un méfait n'est pas une nouveauté...
qu'on jette la pierre et toute la carrière uniquement sur la tête des gens qui téléchargent... me parait être un acte d'une facilité déconcertante... ou du cynisme...
sans doute du cynisme.

parce que bon...
perso ce que je "reproche" aux utilisateurs compulsifs du téléchargement comme seule source musicale... c'est leur manque total de désir "profond".

je ne vais pas vous faire le coup vieux con réac' du "c'était mieux avant"... quoique...
juste...
je me souviens d'un temps (que les moins de vingt ans etc etc)... où j'avais du économiser pas mal de mois pour me payer "wish you were here"...
que c'était mon premier et mon seul album "perso"...
qu'on me prétait d'autres albums (encore heureux)...
et pour en avoir discuté avec quelques personne de ma génération et celles antérieures, cela semble toujours avoir fonctionné un peu de la sorte... (plus ou moins).
un mélange entre piraterie (quoique ce mot recouvre plusieurs réalités ce me semble) et promesse des achats légaux.

du coup... les découvertes se faisaient par le biais de l'échange, de la discussion, d'une forme de contrainte de la disponibilité de l'autre (ou des autres pour ceux qui possèdent plein d'amis).
bien évidemment de lecture tout ça tout ça...
mais bon, rien ne vaut l'ami qui possède un album.

d'un côté donc une forme de socialisation et d'apprentissage sur le tas.

de l'autre, il y a un apprentissage une formation toute personnelle... une approche tout aussi concrète mais relevant plus du domaine de l'intime.

ainsi le pink floyd en question à du tourner des mois en boucle dans ma chambrette, je dois encore le connaitre plus que par coeur....
mais, c'est dans ce genre de "trip" (provoqué donc aussi et surtout par le peu d'accessibilité de la musique) qu'on découvre d'un coup, un "bout de guitare", un "son de cymbale" nouveau à notre oreille... et ce au bout de là 10 000 ième écoute...
on apprivoise notre plaisir, on le décortique, on le défenestre aussi parfois (mais il revient par la porte)... bref... on passe d'un "sympa" grossier et vulgaire, limite boétien... à une forme de curiosité, de détails, de nuances dans notre approche de la musique.
on s'auto nourrit...

pour moi au delà du terme (vulgaire) de "culture"...
l'approche d'une connaissance artistique... enfin d'une démarche artistique d'auditeur passe par là.
la volonté de partage
la volonté de rester chez soi.

le fait d'avoir accès à "peu" de choses, de musique, d'album...
fait qu'on prend le temps... de s'égarer et de s'attarder.
après pink floyd, j'ai du découvrir hendrix est passer 1 an à n'écouter que ça... et coltrane.
1 an de perdu en terme quantitatif...
oui et non, des amis avaient écouter autre chose, mon "retard" pouvait se rattraper... j'en ressortais enrichi.

connement, cette image fleur bleue...
à l'air de se retrouver (plus ou moins) chez les gens que je connais qui apprécient la musique.
je ne parle ni de ceux qui achètent de manière compulsive pour avoir la plus grosse discothèque du monde.
ni de ceux qui écoute d'une oreille distraite ce qui passe en faisant le repassage
ni de ceux qui broient du noir allonger dans leur lit toute la journée ou autre.

juste de ceux pour qui la musique est un bout de leur âme, qu'ils le veuillent ou non.
sans tomber dans un trip "poète maudit"

et ce "schéma" ne semble pas correspondre à une forme de musique particulière.

bref...
selon moi (toujours humble que je suis)...
un parcours musical est fait de temps.

or...
outre l'exploitation des artistes pendant un bon nombre d'années (il suffit de lire n'importe quelle bio de n'importe quel artiste noir période essor du jazz et du blues, pour s'apercevoir qu'eux non plus n'avait pas droit à la totalité de leur droit..; pouf pouf)

les majors et gentilles compagnie de disque... radio fm et autres télé.

ont tout fait pour détruire ou du moins endigué cette vision de la musique.

je suis "anti disque dur blindé de mp3"
parce que cela va à l'encontre de cette notion de "temps"... on en arrive à un auditeur sur gavé de titre en tout genre, ne prenant plus le temps de l'échange émotionnelle avec autrui, mais d'un échange de fichier va msn, (ou emule ou ce que vous voulais); rares sont les "jeunes" qui prennent encore le temps d'écouter la musique, de la laisser vivre et vibrer en eux... qui la laisse les imprégner.


or, cet auditeur de merde (il faut bien le dire)... est comme ça... parce qu'on l'a éduqué comme ça.

la pédagogie musicale dont on l'a gavé la formé à devenir cet téléchargeur sur patte.
skyrock (et autre) à haute dose, mcm et autre m6, portable à customiser avec sonnerie et titre mp3, accès au net, potentiel technique d'accès à "toute forme d'expression médiatique dans l'instant", émission musicale de tf1 ou de france 2, renouveau du rock à deux francs six sous, prix exorbitant des concerts et j'en passe.

le téléchargeur fou (de musique ou du dernier épisode de toutes les séries tv possibles et inimaginable) est le produit parfait enfanté par les majors et les médias.

il me semble assez éloquent que jamais un seul "responsable" ne veuille émettre cette hypothèse et encore moins l'assumer.

personnellement...j'achète encore des disques (sisi)
j'emprunte en médiathèque pour me faire une idée le plus souvent (et grave quand ce n'est plus disponible sur le marché)
et ne télécharge que des vieilleries disponibles uniquement en vynil à des prix fous (ou quand on se fout de ma gueule, par exemple lorsqu'un morceau de l'album originel est amputé de quelques minutes sur la version cd).

bises
ps: quand à trouver un disquaire..; c'est comme un vrai libraire... faut en retourner des cailloux

[Nicolas]

Monfreid,

Tout à fait d'accord avec toi. J'aurais pu l'écrire avec moins de talent !
Je pense que toute notre génération a fait de la sorte et c'est exactement ce que tu as décrit. Il n'y a que 24 heures par jour et si la musique fait partie, comme tu le dis d'un coin de son âme, alors le choix et la concentration sur ce choix exclu toute écoute quantitative en mp3.

Amicalement

[martin]

Idem, pas mieux à dire...
Complètement d'accord, et justement formulé.
Amicalement aussi