druze a écrit:Bonjour,
Un article de François Armanet à lire p.110 du nouvel obs :
"MANSET DROIT DANS SES BOTTES"
Bien à vous
Merci pour l'info... Et voilà l'article...
RB
Le roman d'un chanteur
Manset droit dans ses bottes
Ses « Petites Bottes vertes » ont souvent conduit Manset de Paris à Bangkok. Mais existe-t-il un ailleurs qui vaille ?
Il y a vingt ans déjà, l'homme invisible du rock français (18 albums au compteur) avait publié « Royaume de Siam », un roman impeccable, pilonné depuisselon la méthode Manset (autocensureet révision sans fin de sa discographie). Son second roman, « les Petites Bottes vertes »,a les honneurs de « la Blanche », chez Gallimard. Seize chapitres pour remonterle temps en désordre impressionniste et livrer les clés d'une géographie intime. L'enfance, les filles, la musique, les fantômes de Roda-Gil, Nino Ferrer et Julien Clerc, les silhouettes de Delon ou Jagger et l'amitié avec (Laurent) Malek, complice du Drugstore et confident du Studio de Milan des premiers enregistrements.
Scènes originelles. Son père, merveilleusement doué, un jour quasiment licencié, qu'il voit soudain «remettre en question tout cequ'il aura connu, et le monde se détériore». Ce frère aîné condescendant à qui il faudra bien répondre un jour. Une vision fugitive de sa mère traversant, «en plein soleil, en nuisette Baby Doll, quasi à poil, à contre-jour, l'appartement» de la colline de Saint-Cloud.
L'adolescence marquée par la bande du « Drug » au parfum de vétiver. Malek etlui «en flambeurs ombrageux, Ray-Banopaques», la mèche trop longue et la joueglabre de tous les minets d'alors. Pitreries, arnaques, mauvaise frime, «les bras chargés de rapine», michetonneuses aux yeux «gris pâle, gris exténué», et la patinoire Molitor «où quelques butineuses filaient comme une volée de moineaux». Le sexe cru : «J'ailevé une fille... Au jour, avant qu'on ne la redépose vers un endroit sordide d'où elle venait, j'ai vu ses mains : pleines de verrues.»
Les vadrouilles incessantes. Rien d'équivalent au «hasard insolent des virées, gamin, à décortiquer tout dans la stupéfaction de découvertes micros-copiques. Ce sont elles qui m'ont construit, ces sensations d'éclaboussements de lumière, ces illuminations.» Manset sillonne les beaux quartiers, les squares impossibles comme les bords de Marne : la campagne délicieuse, vergers sans fin où les «prunes avaient pour moi un goût prononcé d'exotisme». La Marne et le Mékong chavirent. D'un «deux-étoiles minable de la baie de Seine planté au beau milieu de rien» aux hôtels borgnes sous les tropiques, même éblouissement, même dérive. Les rues lépreuses de Montrouge ou de Juvisy rejoignent les paillottes de Samoa, les rizières de Pattaya, et la montagne Sainte-Geneviève débouche sur Manille...
Manset rêve de retrouver intacts et inchangés ces territoires évanouis qui «nous auraient de toutes les manières menti» et lâche : «C'est quoi l'Asie? C'est simplement nulle part.»
«Les Petites Bottes vertes», par Gérard Manset, Gallimard, 294 p., 17,50 euros.
Gérard Manset est né en 1945 à Saint-Cloud. En 1968 sort « Animal on est mal », son premier album ; en 2006, « Obok », le 18e. Il a publié, en 1987, « Royaume de Siam » et des livres de textes et photos dont « 72 Heures à Angkor » (les Belles Lettres).
François Armanet
Le Nouvel Observateur - 2215 - 19/04/2007