Sans doute parce que les temps que nous vivons sont gavés jusqu'à saturation d'espérances tombant en vrilles, de guerres absurdes et de vertiges d'apocalypse, le dernier disque de Manset est comme un radeau médusé qui nous offre quelques instants du monde d'avant, d'avant les Chinois sur la Lune, d'avant l'ignorance artificielle au service de l'indifférence musicale et d'avant les réseaux asociaux comme ring universel.
Mansetlandia, terre isolée dans l'immense océan médiatique, terre d'accueil mélancolique et sereine, source à laquelle j'ai trouvé un livre auquel je n'avais pas accordé d'attention lors de sa parution, 'Journées ensoleillées' édité en Suisse en 2011 et reçu ces jours.
Bel ouvrage, belles images, belle mise en pages. Belles heures de contemplation.
On sent bien que ces voyages sont une quête sans espoir d'un monde qui s'efface peu à peu. Cette façon de glaner des espaces à l'abandon, des traces en perdition, des visages mystérieux ou rieurs, des fragments d'une banalité magnifiée, paysages antiques et cités oubliées, tout cela se mêle avec évidence aux disques et textes d'un Manset à côté de l'époque comme on fait un pas de côté.
Il découpe le monde avec un couteau qu'il est le seul à savoir manier. Tranche après tranche le monde de Manset vibre à des fréquences auxquelles nous sommes sensibles, comme des tangentes que nous frôlons, des ondulations qui nous élèvent un instant, lévitation éphémère vers un ailleurs de brumes et de rêves, de désirs et d'austérité vagabonde.
Ravigoté par l'Algue Bleue j'ai aussi reçu les 'Récits Barbares', et m'est venue une vaine petite question à propos de la liste des autres ouvrages de l'auteur qui se trouve en fin de livre. Manset ferait-il disparaître de sa bibliographie des titres comme il fait disparaître des chansons ? Royaume de Siam, première de ses tentatives de récit, est absent de la liste. Oubli ? Pilonnage furtif en terres de déception ? Préparation d'une renaissance à l'instar de ses compositions musicales ?
L'énigme est aventure.