par roland65 » 26 Sep 2018, 13:18
Bon, je donne mon avis après deux écoutes :
D'abord, je précise que j'avais bien aimé "Opération Aphrodite", y compris les passages de lecture (Manset ne lisait pas bien, mais sa lecture heurtée avait une certaine saveur, quand même), à part le titre "Comme un arbre ses fruits", complètement à côté de la plaque et même risible... Après, ce n'est pas mon album de Manset préféré, loin s'en faut...
Pour cet "À bord du Blossom", Manset a repris la même idée des textes lus entre les titres chantés, sauf qu'ici les textes sont de lui, là où Aphrodite proposait des extraits d'un livre de Pierre Louÿs, "Aphrodite, moeurs antiques".
Comment dire ? La prose de Manset souffre énormément de la comparaison. Il a sans doute voulu pasticher ici Pierre Loti, cela s'entend et il y a certes un réel effort de style, mais avec des maladresses, des lourdeurs et même des fautes de français... Et puis, il lit mal, très mal, de façon heurtée, avec un soupir à chaque demi-phrase, c'est vraiment pénible... Enfin, quel est le propos ? On a dû mal à suivre l'histoire embrumée de ce Capitaine, qui aura sans doute du mal à rentrer chez lui, vu le nombre de vahinés qui l'empêchent de regagner son bord...
Le début de l'album ("Ce pays") est également ahurissant : mais où a t-il pêché cette voix féminine sortie de la pire variété des années 80 ? Et cet intermède avec un enfant, que vient-il faire là ? Je suis obligé de passer tout le début du titre, tant il me hérisse le poil. La suite est heureusement un peu moins agaçante...
Ensuite, on a droit à "On nous ment", recyclage quand même assez réussi de "Pas mal de journées sont passées" et le clip est beau, je trouve. Il s'en sort bien sur ce coup là.
"Mon Karma" m'a laissé plus que sur ma faim. Cela doit être de la "gaudriole" selon l'expression qu'affectionne son auteur. Personnellement, ce titre "positif" me laisse de marbre.
"Manila Bay" est un titre très long où l'on entend (enfin !) une très bonne guitare électrique. La voix est si claire que je me demande si ce titre n'est pas plus ancien ? Il s'agit d'une suite d' "Eden Bay" dont on retrouve certains personnages féminins. Une sorte de descente hallucinée aux enfers des trottoirs de Manille, drogue et prostitution, misère mais beauté quand même. Cela m'a fait penser à l'univers très particulier du photographe Antoine d'Agata...
"Une chambre à la Havane" mélange le chant et le talk over, sur un très beau texte et une magnifique guitare sèche. L'ambiance est beaucoup moins glauque que celle de "Manila Bay" et la fin du titre laisse la part belle à la musique, ce qui était rare ces dernières années.
"La Vierge pleure" est également un très beau titre et on est vite embarqué dans ce "palais du passé" où la Vierge pleure car sa création (la Terre, Nous) lui échappe et l'attriste... Là c'est plutôt l'univers de Sir Edward Burne-Jones, auquel ce titre m'a fait penser...
"Le fils du roi" est un titre un peu en dessous, mais pas désagréable pour autant. J'ai bien plus de réserves sur ce "Pourquoi les femmes" au texte réac et imbécile... Ce titre m'évoque un célèbre polémiste au visage de fouine (dont le nom commence par la dernière lettre de l'alphabet), c'est-dire le niveau ! À fuir...
Enfin, il y a ce "Paradisier" qui aurait pu être très beau (texte et musique) et qui l'est en partie, mais qui est dès le début gâché par un effet "volière" du plus mauvais aloi, avec tous ces piafs qui piaillent dans nos oreilles... Peut-être verra t-on surgir à la faveur d'un remixage une version débarrassée du caquetage de toute cette volaille ?
Si on fait le bilan, ça fait seulement quatre bons titres, sur 68 minutes de musique... On a envie de dire à Gégé d'arrêter les frais et de nous refaire vite un album "à l'ancienne", enlevé et rapide comme Obok.. Puis surtout, de mettre un peu en veilleuse ses prétentions littéraires souvent ridicules (cf. "Cupidon de la nuit" et son style amphigourique) pour revenir à la poésie d'une écriture semi-automatique qu'il maîtrise comme personne...
Vulnerant omnes, ultima necat