Claire a écrit:J'ai toujours eu l'impression que Manset quitte le registre énigmatique et allusif quand il s'agit de ce thème : l'état du monde.
"Le pays de la liberté" est très explicite lui aussi, et "Les enfants des tours" etc. : trop grave pour "faire de l'art" ?
Comme si l'émotion elle aussi était très directe, mélange de colère et d'horreur anticipatrice.
Je crois Claire qu'on va être en profond désaccord sur ce qu'écrit (et enchante) Manset. Il n'y a pas d'allusion chez Manset, tout est très direct, je ne pense
plus qu'il y ait quoique ce soit de caché, de choses qui se dissimulent entre les mots: tout est là. On a lu ses livres (
Les Petites Bottes vertes donnent tant de clefs), on a vu ses photos (on en pense ce qu'on veut, n'est-ce pas Roland, mais pour ma part je les trouve sans intérêt), tout es là, nu, je ne vois pas ce qu'il peut dissimuler encore, le paravent est tombé. Ses propos sociétaux sont creux. Parfois je m'imagine les dîners chez Finkielkraut avec Manset en fleur d'ornement: mais que peuvent-ils se dirent? Tu les interromperrais, tu passerrais pour un gauchiste qui n'a rien compris. Quelle migraine. Manset, mine de rien, a rejoint une meute qui en creux parle pour lui. Et c'est bien normal finalement.
Je ne regrette rien. Le voyage fut superbe. Et intensément instructif. J'aimerai toujours Manset. Mais quand tu veux le rattacher à une strate poétique, bon, je ne peux plus là...
Et puis je réécoute ( à l'instant même où j'écris c'est
Territoire de l'Inini, c'est formidable...) Sans la musique, Manset ne vaut pas grand'chose... A lire ça ne va pas. Et comme notre intense croyance en la musique s'est atténuée, je doute que Manset traverse le temps... Mais traverser la vie de quelques personnes pendant des décennies, c'est déjà beaucoup.
PS: Lavilliers a souvent plus de souffle (
Les Mains d'or), c'est pas nawak.