L'appareil photo de Gérard Manset.
LE CHANTEUR SORT "MANSETLANDIA". INTÉGRALE DE SES TITRES, DANS UN COFFRET ILLUSTRÉ PAR DES PHOTOS D'OBJETS PRISES AU COURS DE SES VOYAGES ET PRÉSENTE L'INDISPENSABLE COMPAGNON DE SES PÉRÉGRINATIONS : UN NIKON ARGENTIQUE.
… STÉPHANE DAVET
"De la même façon qu'on écrit toujours avec le même type de stylo, qu'on peint avec les mêmes pinceaux, les mêmes brosses, les mêmes pigments, ce sont des Nikon qui m'ont suivi dans mes voyages pendant des années. J'aime leurs boitiers compacts, légers, avec une cellule à aiguille, très rapide à manipuler. Ce FM3A est le dernier argentique à m'avoir accompagné dans les années 2000. En voyage j'avais toujours un petit carnet dans la poche arrière gauche de mon Levi's et un appareil que je mettais dans un sac kaki, une sacoche militaire. Je le rangeais en posant l'objectif, un 28 mm, sur un support en mousse de la même épaisseur. Je pouvais aussi porter l'appareil en bandoulière, mais on devient plus repérable. Je préférais le dégainer comme un colt pour saisir une scène dans la rue, avec un passant, un véhicule, un animal. Ce Nikon était comme l'extension de mon bras, un poignard qu'on lance, le geste d'un danseur ou le prolongement d'un kata de karaté. Je croisais beaucoup de photographes amateurs de paysages, personnellement je préférais le mouvement. On me qualifie de solitaire, pourtant je privilégiais la foule, les villes tentaculaires et grouillantes, des endroits comme la gare de Calcutta. Un lieu absolument inouï. Je pouvais y prendre ad libitum des kilomètres de pellicule, tellement tout était beau : les matériaux, les drapés, les couleurs, les natures de peau, les luisances. Comme tout le monde, je suis passé au numérique, mais je fais beaucoup moins de photographies. Le numérique et Photoshop permettent d'affiner un travail de développement qu'on n'aurait jamais pu réaliser avec l'argentique, mais on a perdu l'essentiel de la poésie, de la personnalité, du mystère. Aujourd'hui tout le monde prend des photos, il suffit d'appuyer sur un bouton, cela n'a plus de sens. J'ai gardé tous mes boitiers argentiques. Je suis assez fétichiste. Je conserve absolument toutes les choses qui m'ont accompagné. La nostalgie de ces appareils est associée à une nostalgie du voyage, une nostalgie des pays tels qu'on les découvrait à l'époque. Avec quatre fois moins de population et cinquante fois moins de médias et de communication."
Le Monde du 10 décembre
(déchiffré tant bien que mal à partir d'une vignette sur le site du journal)