Rover :
un vagabond de premier ordre à découvrir de toute urgence.
Je tentais d'assimiler Rodolphe Burger et Bertrand Belin qui ont tous deux bonne presse mais avec lesquels j'ai encore quelques difficultés pour les adopter totalement, lorsque je suis tombé sur un enregistrement issu des Deezer sessions daté de 2016 auxquelles participaient de concert (c'est le cas de le dire) mes 2 postulants, ainsi qu'un troisième artiste du nom de Rover. J'ai donc commencé par écouter les prestations de Rodolphe et Bertrand qui m'ont encore une fois laissé sur ma faim, puis j'ai jeté une oreille sur les 2 titres (ils en avaient 2 chacun) du susnommé Rover. Quelle claque ! Il y a longtemps que je n'avais pas été emballé ainsi par un artiste à la première écoute. Les morceaux sont bien écrits, bien interprétés et cette voix ! Je me suis donc informé sur cet artiste que je ne connaissais pas et, surtout, j'ai écouté ses oeuvres qui ne m'ont pas déçu. Il y a sur Youtube, de nombreux lives de bonne qualité qui démontrent toute l'étendue des talents de ce Rover. Mais qui est-il et d'où vient-il pour m'être ainsi inconnu ?
De son vrai nom, Timothée Régnier (tiens, ça sonne français -et il est français, né à Paris en 1979- alors qu'il chante en anglais), il est fils d'expatriés. Il passe son enfance à New York à partir de l'âge de sept ans où il fréquente le lycée français jusqu'à ses 15 ans. Grandissant, il a vécu aux Philippines, au Japon, et au Liban où, parti pour 3 semaines il est resté 3 ans jusqu'à être expulsé du pays pour cause d'expiration de son visa. Maintenant, étant passé par Berlin, il va de Paris à Bruxelles en passant par la Bretagne où il possède un studio d'enregistrement, tout en analogique. C'est à cause de ses voyages incessants qu'il a choisi Rover (vagabond) comme nom de scène. Il dit ne jamais défaire complètement sa valise et la garder toujours à portée de main au cas où.
Musicalement parlant il est autodidacte, ayant appris ses instruments avec les conseils de sa famille et de ses amis. Il maîtrise maintenant très bien guitares, claviers et piano. Il a d'ailleurs enregistré ses premiers disques dans son studio en jouant de tous les instruments sauf la batterie confiée à Arnaud Gavini.
Ses principales influences sont David Bowie, The Beatles, The Beach Boys, T Rex, Pink Floyd et Serge Gainsbourg.
Il a à ce jour publié 2 disques, Rover en 2013 et Let it Glow en 2015. Il existe également un EP Anywhere from Now en 2013, les Deezer sessions en 2016 et un album bonus en 2013 Reel to Reel où il interprète ses titres de façon dépouillée, genre démos.
Les thèmes de ses chansons sont surtout articulés autour des évènements de la vie et surtout du temps qui passe, hier enfant, aujourd'hui adulte et le lendemain qui arrive toujours inexorablement. Pour lui la mort la plus romantique serait de mourir de tristesse.
En dehors de ses titres, il reprend en public des chansons de Kate Bush, Françoise Hardy (en français s'il vous plaît), Dépèche Mode, etc.
Je ne peux m'empêcher de reproduire ci-après cette critique parue après la sortie de son premier album :
"Par Imanol Corcostegui , publié le 21 avril 2012.
Rover, géant gracieux dont tout le monde aime les chansons
Sur les photos, Rover a le visage d’un châtelain dépressif et dangereux, coiffé comme un poète du XIXe. Ensuite, un corps, colossal, recouvert d’un pardessus noir ou d’une veste en cuir parfois. La comparaison, perpétuelle, avec Depardieu éveille chez lui un sourire forcé.
Surtout, il y a une voix, d’une beauté mutante, proche de Bowie souvent, de Lennon parfois mais plus puissante, passant en pleine chanson du grave explosif au très aigu.
Depuis la sortie de son premier disque il y a presque deux mois, Rover a reçu les louanges de la presse entière. De Télérama au Figaro en passant par Le Parisien et Les Inrocks, les critiques rivalisent de lyrisme pour saluer la naissance de ce chanteur français, « costaud aérien », « céleste et rocailleux ».
Par esprit de contradiction, on aurait aimé détester. Bah non. C’est assez rare de ressentir si fort sur un album les influences, nombreuses, sans crier au mimétisme.
Enfant, à New York, Timothée Régnier écoutait « Imagine » l’oreille collée aux enceintes à attendre l’arrivée de la batterie. Il disséquait la pochette de son disque préféré, « Sergent Pepper », se demandant comment on pouvait mettre autant de créativité dans une image.
« Les albums les plus émouvants pour moi, ce sont ceux des Beatles. Enfant, “ A Day in The Life ” me glaçait le sang. A 6 ou 7 ans, j’aimais déjà “ Jealous Guy ” qui me colle à la peau pour la vie. Je rêvais devant ce son et dès que je l’écoute, je ressens la même émotion qu’à l’époque. »
En plus des Beatles, il écoute Dylan, Bowie, Gainsbourg, Mozart aussi, autant de vinyles que son père, qui travaillait dans une compagnie aérienne, faisait tourner en boucle. Brian Wilson des Beach Boys est son guide, dit-il.
En grandissant, sa culture musicale, bien digérée, a intégré Nirvana, Interpol, les Black Keys. Et à 33 ans, lui qui n’a jamais pris de cours de musique ni de chant mais a commencé la guitare à 7 ans s’est lancé dans un travail en solo.
Comme Timothée a passé sa vie à voyager, il a pas mal de petites histoires savoureuses qui facilitent la promotion d’un premier album. A New York, où il a vécu pendant sept ans, il était au lycée français en même temps que deux des Strokes, avec qui il a fait du basket plus que de la musique.
Moins anecdotique, il a été pendant trois ans le guitariste du groupe de punk/rock de son frère à Beyrouth, où la scène musicale underground est fiévreuse. L’expérience l’a beaucoup marqué.
« Un ou deux titres de l’album sont nés là-bas : des couplets, des phrases, des débuts de refrain, des mots. La guerre de 2006 et les bombardements d’Israël ont eu un impact sur le disque, c’est une période traumatisante. (…) On savait qu’à 22h30, les avions arrivaient par-dessus la montagne et venaient pour bombarder des lieux bien précis où le Hezbollah vivait. On était des témoins naïfs de tout ça, impuissants parce que les voies de sortie étaient coupées. »
A l’été 2008, le jeune homme quitte le Liban précipitamment. Son visa touristique a expiré et en quatre jours, il plie bagages. Après quelques semaines de balade à Berlin, c’est dans son pays natal qu’il décide, un peu désœuvré, de reconstruire sa vie. Il s’installe dans la maison familiale en Bretagne pour travailler sur son album à lui. « Une ambiance propice à la solitude, où le rapport au temps est différent. »
« Quand je m’installe dans cette grande maison vide tout un hiver, je coupe et je reconstruis. Je suis au fond de l’eau et je prends appui pour remonter. Et c’est le meilleur moment. Un mélange de mélancolie et de nostalgie, et une mise à plat. On réécoute ses disques de façon différente, les disques qu’on a aimés, on revoit ses références. Le vin et la cigarette ont un autre goût. Tout est différent parce qu’on a tout quitté et qu’on se détache des choses. »
Une chanson inspirée du retour des Poilus après la guerre.
Il dit que s’il avait fallu, il aurait pu y passer quinze ans à peaufiner son album. Parce que Rover est un bosseur. Ni poète maudit ni rockeur dégénéré bon à ramasser dans une flaque. Le type est drôle et parle bien. Juste à l’aise dans l’esthétique du dandy.
Chez lui, tout est dans la recherche de l’équilibre. Arrangements sophistiqués mais enregistrés en analogique dans des conditions proches du live ; lyrisme dans la retenue. Le chanteur veut que ses chansons soient « de vieux t-shirts que l’on aime et que l’on ne veut pas jeter ». Auteur et compositeur de tous les titres, il joue aussi tous les instruments de l’album.
L’écriture des textes est soignée et variée aussi, fragments d’images, comme faisait Lennon. En anglais forcément, puisque Rover pense et réfléchit souvent dans cette langue. Le tube « Aqualast » s’inspire de lettres de Poilus de retour après la Première Guerre mondiale ; « Lou » est une déclaration d’amour écrite en une demi-heure.
Rover aurait pu passer une éternité à déambuler d’une pièce à l’autre de sa maison des Côtes-d’Armor mais il n’y est resté que trois mois. Là-bas, il a vécu une expérience presque magique. Le chanteur décrit un éveil à lui-même, un épanouissement brutal. En trois mois, il découvre sa voix, accepte son physique et dompte la mélancolie.
La voix.
« C’est très dur de s’entendre. Mais là, tard la nuit, alors qu’il pleuvait dehors, je tentais des aigus pas possibles, quitte à me péter la voix mais je m’en fichais parce que j’avais le temps. J’essayais d’aller là où j’étais le moins confortable. J’ai voulu tester ma voix aiguë et très grave et si c’était très dur pendant un quart d’heure, j’insistais.
Sur une chanson comme “ Tonight ”, où il y a un aigu très précis à atteindre, j’essaye d’aller chercher une octave au-dessus. Quand j’y arrive, j’ai l’impression d’être possédé par des petits diables parce que tout mon corps est en transe. C’est jouissif. »
« Tonight », il l’a chantée rien que pour nous.
Le physique.
« C’est long aussi d’accepter son physique, d’être toujours le plus balèze de la classe, de ne pas pouvoir rentrer dans un TGV ou un taxi sans souffrir. Je fais plus d’1,90 m ; parfois, je fais doublement le poids de la femme qui m’interviewe mais il faut s’accepter. C’est peut-être dur à 16 ans mais j’ai vite compris que ça pouvait être une qualité aussi. Il faut jouer avec ce qu’on a. Il ne faut pas vouloir avoir l’air de Woody Allen. »
La mélancolie.
« Je suis quelqu’un d’assez mélancolique et je l’ai acceptée comme un sentiment confortable qui m’accompagne au quotidien. Quand on sait la dompter et qu’elle ne fait plus peur, c’est comme entrer dans un bain chaud. Contrairement au bonheur qui vient et qui s’en va. C’est un peu fourbe, ce n’est pas très honnête, le bonheur. »
Timothée Régnier cède ainsi place à « Rover », son double artistique, l’errance en anglais.
« ’Rover’, c’est la musique la plus personnelle et honnête que je puisse faire, avec des défauts sur lesquels j’ai appuyés. Le prof de théâtre de mon frère disait à un de ses copains qui avait un cheveu sur la langue : “ Joues-en, c’est ta qualité ! ” Il faut surjouer ses défauts. »
Rover n’a pas de cheveu sur la langue mais beaucoup de défauts."
Pour la critique de son deuxième album, je reprends mot pour mot celle parue dans Le Parisien :
"On écoute ce chef d’oeuvre de Rover, en quelque sorte le David Bowie Français (rien que çà), qui publie son sublime deuxième et dernier album à ce jour « Let it glow ». Avec ses compositions de plus en plus conceptuelles entre nostalgie et exaltation, Rover nous ouvre plus largement ses vocalises mélancoliques pour nous faire rêver au delà de son côté obscur. A star is born !
Influencé par David Bowie, The Beatles, The Beach Boys, T Rex, Pink Floyd et Serge Gainsbourg, le multi-instrumentiste Timothée Régnier (alias Rover) a entièrement écrit et interprété cet album sur la console ayant servi à l’enregistrement de Melody Nelson dans les conditions de l’analogique.
Bon on écoute cette pépite qui se consomme comme un concept album de bout en bout.
On ouvre avec le folk céleste de « Some Needs » comme un Bowie qui chancelle sur un refrain chatoyant des plus enchanteur. Fascinant
Avec « Odessey », les flûtes aériennes nous projettent dans un space opera psychédélique. Major Tom ou es-tu ?
Sur le splendide single « Call my name », on glisse sur la voix de Rover entre tessiture de velours et rage contenue. Bande Originale ?
On fait un tour avec les Beach Boys et Brian Wilson sur « Innerhum » qui laisse la créativité musicale de Rover nous emmener dans les saveurs d’une magnifique orchestration.
Sur les accords de piano de « Trugar » on a l’impression de voguer sur un standard de John Lennon mais période New York.
Avec « HCYD », il impose son style avec son son. Rover n’est pas un copieur !
L’ouverture enchanteresse au piano de « Let it glow » laisse place à un duo basse-guitare à la Melody de Nelson pour une montée sur des voix éthérés. Seventies
Arrive une des pièces maîtresses de l’album « Along », avec sa cohorte de spasmes oppressés, menaçants et ténébreux. Ce marathon man à l’ambiance funèbre emprunte des chemins d’une froideur dangereuse pour nous égayer au clavecin avec Dracula. Thriller opera.
« Glowing shades » se déguste comme une ballade au petit matin avec Marc Bolan et David Bowie, main dans la main, qui s’émerveillent de l’éveil de la nature, après une nuit blanche, il s’entend.
On termine sur un morceau à la More de Pink Floyd avec « In The End » qui s’enfonce sur des accords rapides et combatifs vers Ibiza. Psychédélique.
Cet album est tout simplement magnifique, je reste sans voix pour la laisser à Rover lorsqu’il s’envole vers les hauteurs avant de redescendre sur un claquement de cordes vers les profondeurs vocales.
Et je ne parle pas, ou plutôt si, du décor instrumental qui est tout simplement majestueux et fascinant.
Si le fil conducteur de ce disque est le piano, on découvre un côté bruitiste qui arrive progressivement à l’écoute de cet album qui est gravé comme une référence aux sixties, jusqu’au début des années 70.
Une merveille, vivement que « Rover » revienne pour son troisième album, que l’on aille le voir en concert."
Des frissons, des larmes aux yeux, des bouches bées. C'est l 'effet Rover. Et ça marche à chaque fois. Comme au beau milieu de la rédaction du «Parisien» - «Aujourd'hui en France», le 17 février 2017, où Timothée Régnier a sidéré l'assistance et les personnes qui suivaient sa prestation en direct sur Facebook.
Rover se verrait bien écrire pour d'autres, «réaliser un disque pour quelqu'un comme Jane Birkin. J'adorerais lui faire enregistrer un disque en anglais». Et le français ? Pas naturel pour un musicien qui a passé son enfance à New York. «J'ai essayé mais ça part tout de suite à la poubelle. Ça viendra.» Et là encore, à coup sûr, Rover fera son effet.
Je termine ma présentation en disant que Rover, avec sa stature de bucheron, transpire sa sensibilité et qu'avec sa voix extraordinaire, il fait passer des sensations extrêmement forte. Il y a longtemps que je n'avais pas entendu un tel chanteur et je suis surpris qu'il ne soit pas très connu malgré les distinctions déjà obtenues :
- Victoires de la musique 2013 : nomination comme groupe ou artiste révélation du public de l'année
- Prix Talent Tout 9 2013
- Victoires de la musique 2016 : nomination comme album rock de l'année pour Let It Glow.
Allez visiter
Rover music la chaîne officielle de Rover sur YouTube.
Et quelques vidéos :
AqualastLa Roche Elle est longue mais il faut absolument l'écouter jusqu'à la fin, c'est splendide.
Silence to navigateWedding BellsSilverFull of GraceTonightLate night LoveQueen of the FoolsSome needsInnerhumCall my NameLet it GlowLouLes vieilles charrues 2012 concert en bonne qualité 55 minutes.
Concert privé au studio Kerwax dans lequel a été enregistré son deuxième album.
N'hésitez pas à fouiller dans YouTube, on y trouve pas mal de vidéos live en bonne qualité.
Ses disques sont disponibles chez tous les bons disquaires et en écoute sur Deezer.