Avertissement: Toute ressemblance avec ...etc etc ....ne pourrait être
que ...etc etc.
Je venais d'acheter deux escalopes de dinde et une bouteille
de vin blanc et je me demandais bien ce qui allait m'arriver.... Une
voyante, la veille, avait scruté les lignes de ma main et m'avait prédit
qu'un jour j'achéterais "deux escalopes de dinde et une bouteille de vin
blanc" et que ma vie s'en trouverait soudain bouleversée.
J'étais sur le trottoir et j'attendais. Suite aux révélations de la
diseuse de bonne aventure j'avais décidé que plus vite j'en finirais avec
cette histoire mieux je m'en porterais. Et c'est pour cette raison que
j'attendais ce soir -sur ce trottoir- avec mes deux escalopes de dinde et ma
bouteille de vin blanc. J'attendais que ma vie fut bouleversée: c'était le
lendemain de ces prédictions!
J'avais toujours eu horreur des diseuses de bonne aventure et, à vrai
dire, je les avais toujours fuies comme la peste. Mais celle-ci avait pris
ma main de force et à peine l'avait t'elle regardé trois secondes que, sur
un ton plein d'assurance, quasiment doctement, elle m'avait annoncé:
-"Un jour vous acheterez deux escalopes de dinde et une bouteille de vin
blanc et votre vie s'en trouvera bouleversée!".
Puis, avec un sourire aussi large qu'une belle avenue mais ou,
malheureusement, il manquait plus de dents que le diable n'a de cornes sur
le crane, elle m'avait tendu sa propre main et ses doigts avaient fait
"Allez, donne quelque chose, allez, donne un petit quelque chose, allez, ne
te fais pas prier, DONNE!"
J'y avais déposé un billet de dix euros, puis un billet de cinq, à nouveau
elle s'était fendu d'un large sourire édenté puis s'en était allée vers
d'autres mains, d'autres destins....
Nous êtions en septembre, un jour de semaine -je ne sais plus lequel!-
il était 19heures45 et j'attendais donc sur le trotoir avec mes deux
escalopes de dinde et ma bouteille de vin blanc que ma vie fut boulersée....
A 19heures49 une fille m'accosta et me demanda si j'avais envi de
rester seul ce soir. Je lui répondis:
-"Aimez-vous les pâtes à la Bolognaise?"
A 19heures52 un policier m'accosta et me demanda:
-"Vos papiers sont-ils en régle?"
Je lui répondis:
-"Les carottes sont cuites"
A 20heures02 une anglaise égarée aux alentours de mon supermarché
préféré m'accosta pour me demander:
-"Do you speak english?"
Apparemment, elle n'avait rien de mieux à faire...
A 20heures05, ma vie n'était toujours pas bouleversée! Du coup je
décidais d'aller au "Chiquito", mon bar préféré, lequel est voisin de mon
supermarché préféré, qui lui même est voisin de mon lavomatique préféré -le
bien nommé "Lavatronic"- qui lui même est voisin d'un vieil immeuble en
brique rouge où habite Nicole, laquelle Nicole est mon soleil, et, quand
plus rien ne va plus, que les jeux sont faits ou que les carottes sont
cuites, c'est selon, je vais la voir, et je me suspends à l'un de ces
rayons. C'est pour ça que j'aime Nicole: parce qu'elle a toujours un rayon
pour moi.... Et Nicole, figurez-vous que c'est au "Lavatronic" que je l'ai
rencontrée. Un jour ou, comme à mon habitude, j'y lavais mon linge.
Ce jour-là, Nicole y séchait d'immense draps ornés d'immenses fleurs.
Alors je lui avais dit:
-"C'est bizarre toutes ses fleurs qui séchent en tournant en rond"; elle
m'avait souri, puis m'avait demandé:
-"Ca vous dirait qu'on les compte ensemble!?"
-"Pourquoi pas!" lui avais-je répondu.
Nous avions fini l'après-midi ainsi, en comptant le nombre de fleurs de ses
immenses draps, et chaque fois que la machine s'arrêtait j'allais mettre une
pièce dans la "centrale de paiement". Puis, le soir venu, je lui avais pris
la main et nous êtions aller boire un verre.
J'avais revu Nicole -au "Lavatronic"-, nous avions encore passé de
longs moments à regarder tourner ses draps, à compter les fleurs, et, un
jour, notre relation prit un drôle de virage et j'allais compter les fleurs
chez elle, dans son lit. Et c'était beaucoup plus simple ainsi....
Au sixième demis le barman me demanda s'il m'était possible de poser
mes deux escalopes et ma bouteille de vin blanc ailleurs que sur le bar.
A 22heures30 qu'elle ne fut pas ma surprise quand je vis entrer
au"Chiquito" l'anglaise de tout à l'heure, "l'égarée" qui m'avait demandé:
-"Do you speak english?"
Elle se plaça à côté de moi et me tapa dans le coude:
-"Tu bois un coup?"
Je lui fis:
-"Vous n'êtes pas anglaise?"
Nous bûmes plusieurs verres ensemble mais ne me demandez pas combien!
Toujours est-il qu'à un moment je me retrouvis avec, à ma droite, la fausse
anglaise, et, à ma gauche, le policier qui m'avait demandé deux heures
auparavant si mes papiers étaient en régle. D'où sortait-il? Je ne saurais
le dire! Toujours est-il qu'il était là, à ma gauche, et que tous les trois
-lui, la fausse anglaise et moi- nous bûmes quelques verres. ....Et ne me
demandez pas combien!
Quand je voulus sortir du "Chiquito" je tombais sur la fille qui
m'avait demandé si je voulais resté seul ce soir alors, au lieu de sortir
-et en sa compagnie- je rebroussais chemin et retournais au bar. Le policier
et la fausse anglais étaient toujours là, chacun se présenta à la nouvelle
arrivée et je remarquais soudain que la fille avait une jupe si courte que
mon sang ne fit qu'un tour et que ma main, sans que je ne me rende compte de
quoi que ce soit, s'était éprise de sa taille: elle s'était mise à
l'enrober. Mais l'envie de vomir fut plus forte que tout et je n'eus guère
le choix: à défaut de vomir sur sa jupe il me fallait au plus vite rejoindre
les toilettes! Je me précipitais donc en direction de la porte sur laquelle
était marqué "Lui" - "Elle" et là, après m'être rué sur la porte anotée
d'un "Lui", je me jetais sur la cuvette blanche et vomissait toutes mes
entrailles. Puis j'engageais une conversation philosophique avec les
toilettes:
-"Vous avez vu dans quel état je suis!?"
De ce que me répondire les toilettes je ne retins pas tout, ni ne
compris grand-chose, toujours est-il qu'à un moment je revins au bar.
Le policier avait l'une de ses mains autour des hanches de la fille en
mini-jupe et il serrait la fille comme si elle lui appartenait depuis la
nuit des temps. Elle semblait être devenue "sa" propriété! Je ne fis
semblant d'aucune gène et, comme les verres étaient vides, proposais une
tournée. Chacun paya encore une tournée puis le bar ferma et chacun rentra
chez soi. Du moins c'est ce que je me forçais à croire.... En tout cas,
c'est ce que je fis! Et je n'essayais même pas de faire un détour vers
l'immeuble de Nicole: les carottes étaient vraiment VRAIMENT trop cuites, ou
les jeux vraiment VRAIMENT trop faits; c'est selon!
Une fois arrivé dans mon 15 mêtres-carrés je me couchais tout habillé.
Avec mes chaussures. Et avant de plonger dans les bras de Morphéer, le
regard plongé dans le plafond qui vacillait tout là-haut au-dessus de ma
tête, je m'interrogeais: " Mais où donc sont passées mes deux escalopes de
dinde et ma bouteille de vin blanc!?
Le lendemain nous êtions le 11 septembre et quand je me réveillais deux
avions venaient de s'écraser sur New-york. La radio ne cessait de diffuser
la nouvelle en boucle, comme une ritournelle obsédante. J'étais encore saoûl
de la veille et les prédictions de la diseuse de bonne aventure revinrent
frapper mon esprit telle un boomerang que j'aurais lancé il y a dix mille
ans. Et soudain je me sentis coupable! Le lendemain d'une mémorable cuite
c'est toujours comme ça: on se sent coupable. Et, dès-lors, la seule
solution que j'envisageais, la seule qui me paraissait viable et être à la
hauteur de ce désastre était d'aller au supermarché m'accuser de tout. Je
veux dire: de tout ce bazar! Mais au supermarché personne ne me crut. Il ne
se rappelait même plus que j'avais acheté deux escalopes de dinde et une
bouteille de vin blanc la veille! Et au "chiquito" non plus, où j'allais
juste après, personne ne me cru! Au "Chiquito" où, comme dans tous les
autres bars de la capitale sans doute, le téléviseur passait en boucle les
images des deux avions. Et le barman, après avoir vu la scène des dizaines
et des dizaines de fois, avait beau zapper, rien n'y faisait, toutes les
chaînes passaient le même programme: ces deux énormes engins qui venaient
frapper de plein fouet les deux tours. Et dans ses images il y avait quelque
chose de totalement irréelle, de proprement incroyable, et c'est comme s'il
eût fallut les passer et les repasser encore, les voir et les revoir encore,
pour, qu'enfin, cette incroyable scène finisse par tomber -vraiment- dans le
domaine de la réalité.
Après trois demis le barman me confia:
-"T'en tenais une bonne hier!"
Je lui répondis:
-"T'aurais pas vu deux escalopes de dinde et une bouteille de vin blanc par
hasard!?"
Il me dit, sur un ton surpris: "Non!" puis ajouta, sur fond d'écran ou les
tours n'arrêtaient pas de s'écrouler:
-"Ah, au fait, t'es au courant ...parait que "Le Lavatronic" va fermer!"
Désolé pour le pavé, je sais mal utilisé le traitement de texte.